Les Grigris de Sophie ce sont bien sûr des broches, des colliers et des sacs … mais c’est aussi un blog !

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Mais c’est aussi un blog ! Un blog dans lequel je parle de CEUX et de CE que j’aime …
HHHHHHHHHHHHHHHHHHHH
Vous trouverez ici des artistes, des lieux insolites, des recettes, des films, des expositions, des musiques, des spectacles, des photographies d’amis ….
Tout ce qui rend la vie meilleure, tout ce qui rend ma vie meilleure !

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Affichage des articles dont le libellé est Jean Smilowski. Afficher tous les articles
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jeudi 26 septembre 2013

UN DVD SUR JEAN SMILOWSKI, BODAN LITNIANSKI ET ARTHUR VANABELLE : "L'ART BRUT OU LA BEAUTE CONVULSIVE "


Faire un blog est bien gratifiant  !
Je  reçois de sympathiques messages et d’émoustillantes  propositions !

Ainsi est arrivé le message de Yohan Laffort et la possibilité de visionner presque en avant première un  DVD sur trois artistes évoqués sur les Grigris :
JEAN SMILOWSKI, BODAN LITNIANSKI ET ARTHUR VANABELLE .

 " Nous avons beaucoup trainé pour finaliser ces films (des documentaires plus que de simples reportages!!) en DVD pour des problèmes de droits (son et image, notamment le film sur Jean Smilowski), mais ça y est !"

 Ces films  ont en effet  déjà été montrés  à Nice aux Rencontres de l'Art Singulier en 2006
"C'est à mon avis - sauf erreur de ma part - les seuls films consacrés entièrement à ces trois artistes !!"

J'ai eu une grande émotion en les regardant  !


Voici pour chacun la présentation rédigée par Yohan et mes impressions ...








Ce  coffret DVD  s'intitule "L'art brut, ou la beauté convulsive" et  regroupe 3 films :

 - Bodan, simple royaume au bout du siècle
Un film de Yohan Laffort
2002. Durée : 36 mn
Bodan Litnanski avait 87 ans quand nous l’avons filmé. Habitant paysagiste, il poursuivait une œuvre pittoresque, récupérant et recyclant toute une série d’objets de rebut pour en faire des sculptures, des totems, des colonnes qui finissaient par faire de son jardin un labyrinthe fantastique. Le film est une invitation au voyage dans cette cathédrale baroque et païenne.

 Sans doute est ce avec le film sur Bodan Litnianski que j'ai eu la plus grande émotion. Sur ce lieu aujourd'hui envahi par la végétation j'ai fait plus d'un article . 
Cette maison je rêve de la sauver alors voir Bodan arpenter ses allées, se faufiler derrière ses empilements, voir Bodan travailler, choisir minutieusement chaque objet, voir Bodan attendre (espérer) les visiteurs et dire en regardant son travail " C'est beau ça " . L'entendre prononcer des phrases mémorables " c'est le béton qui demande, pas moi qui commande", voir Bodan peindre des liserons, pousser sa charrette, l'entendre évoquer la guerre, son peu de souvenirs de l'Ukraine, voir Bodan sourire, évoquer avec fierté les touristes japonais, américains, belges et allemands et terminer par cette phrase magnifique " Même que vous êtes disparu on viendra vous voir" .
J'ai aimé dans ce film la présence discrète du réalisateur, le peu de paroles, les silences. On n'est pas noyé sous un flot de questions mais on voit un homme vivre et créer , réaliser son rêve .
On comprend vite que ce film ne s'est pas fait en une seule fois et que Yohan Laffort est venu et revenu filmer l'artiste .
J'ai beaucoup aimé aussi les plans sur les réveils et les horloges puis sur les poupées ...
C'est un film délicat....


- L’ampleur de Smilowski
Avec Jacques Bonnaffé..
Un film de Jean-Michel Compiègne et Yohan Laffort - Montage : Stéphane Dhenin
2004.  35 mn
Jean Smilowski est mort en 1989. Durant toute sa vie, il a habité une cabane en bois, sans eau ni électricité, à la lisière de la ville de Lille. Il n’a cessé de peindre, de « bricoler » dans son palais idéal, son « ranch », fasciné par les images, par l’Histoire, le cinéma et ses stars inaccessibles.
Jacques Bonnaffé a prêté son talent au film, sa voix, son énergie pour nous guider sur les traces de cet artiste hors-norme, habité par ses rêves.


Ce qui m'a le plus ému dans ce film c'est la voix de Smilowski enregistrée sur un magnétophone et la présence de Jacques Bonnafé à la fois attentive et pleine d'empathie (il ne faut pas oublier que le comédien est né à Douai dans le Nord) il donne au film une dimension poétique . Il s'associe à la quête des réalisateurs et évoque " cette précarité nécessaire à ce jaillissement des couleurs du sol au plafond " .
Les oeuvres de Jean sont filmées en gros plan et l'on se régale devant les valises , les fresques, les visages de Ramona, des indiens, des cow-boys ....
Intense émotion lorsque Smilowski évoque son accident à 33 ans, lorsqu'il chante le chant de l'exilé, lorsqu'on découvre les vieilles photos où l'artiste se met en scène coiffé comme Clark Gable par exemple, lorsqu'on voit la petite caméra qui lui permettait de regarder des films en super 8 ... 
Quant aux cahiers de dessins ce sont de pures merveilles !


 - Dans la cour du roi Arthur

Un film de Yohan Laffort
1998. 11 mn
Arthur Vanabelle, agriculteur retraité, s’est découvert tardivement une passion : il a peu à peu récupéré toute une série d’objets sur le bord des routes, plus hétéroclites les uns que les autres, pour peupler son jardin et sa cour de ferme d’engins fantastiques, « peinturés » avec soin, et encore aujourd’hui entretenus. 
A 72 ans, Arthur nous parle de son « travail » créatif, de ses souvenirs, souvent douloureux, de sa vie, fragments de récits dialoguant avec son œuvre inclassable.

Ce dernier film est peut être un peu frustrant car plus court . On y voit un Arthur Vanabelle au regard vif et facétieux . On y entend des confidences sur les oncles morts, le célibat, sur la guerre ... On y voit Arthur âgé de 72 ans monter sur les toits pour repeindre et réparer ses avions et on l'entend prononcer cette phrase " on est parti de rien et on arrive à pas grand chose". 
Bref ce film montre un homme déjà âgé mais avec une énergie folle et c'est réjouissant . 



Voici donc un achat indispensable si vous aimez l'Art Brut ou si vous avez croisé la route de ces trois artistes !

 Le plus réussi dans ces trois films c'est que le ou les réalisateurs ont su se faire discrets .
 Le ton est juste, le regard porté sur ces hommes est bienveillant . 
Ce qui domine ici c'est le respect .
Bravo à Yohan Laffort et Jean-Michel Compiègne !
Ces films arrivent longtemps après leur tournage (1998 pour Arthur Vanabelle, 2002 pour Bodan Linianski et 2004 pour Jean  Smilowski) mais ils en sont peut être encore plus émouvants .


Voici comment faire pour acquérir ce DVD :

- Pour les particuliers : le prix est fixé à 20 euros + 1,45 euros (frais de port), soit 21,45 euros
le DVD est envoyé dès réception du chèque, en lettre bulle protégée.
- Pour les institutions (médiathèques, musées, etc) : le prix est fixé à 85 euros (avec droit de prêt et de consultation sur place) + 1,45 euros (frais de port), soit 86,45 euros TTC.
 le DVD est envoyé dès réception du chèque, en lettre bulle protégée.

 Dans les ceux cas, il faut libeller le chèque au nom de "Du Film à Retordre"
et l'envoyer à :
Association Du Film à Retordre,
23, rue Paul Bert
 59260 HELLEMMES LILLE - FRANCE
Pour tous renseignements : téléphoner au 06 76 73 25 79 ou au 03 20 06 43 11 -
 E-mail : laffort.yohan@neuf.fr (Yohan Laffort)


JEAN SMILOVSKI ET LES GRIGRIS 

BODAN LITNIANSKI ET LES GRIGRIS

ARTHUR VANABELLE ET LES GRIGRIS


(cliquer sur les liens)





jeudi 16 février 2012

DU CÔTE DE L'ART BRUT DE PATRICK MARTINAT

LE 4 MERCREDI 4 JANVIER 2012  PATRICK MARTINAT CONTINUE A PARLER DE L'ART BRUT DANS LE BERRY REPUBLICAIN




L’art brut connaît parfois des miracles



Ils étaient facteur comme Fernand Cheval ou balayeur dans un cimetière comme Raymond Isidore. Le Palais idéal de l’un et la Maison Picassiette de l’autre ont réussi à forcer la porte de la célébrité. C’est loin d’être toujours le cas.
C’est souvent l’œuvre d’une vie, un besoin obsessionnel d’achever « quelque chose » qui n’est pas forcément une œuvre à leurs yeux, mais une création qu’ils habitent et dont ils sont habités. C’est parfois très beau, souvent surprenant, toujours fascinant. Ces artistes encore trop méconnus sinon rejetés ne sont pas toujours fous. Mais trop souvent mal traités après leur mort. Leurs œuvres avec eux. Dans la région Centre, plusieurs mésaventures ont connu des fins plus ou moins heureuses. Tandis que la cathédrale de Jean Linard dans le Cher, près de La Borne, joue son avenir (elle a été mise en vente) et que le souvenir du facteur Cheval va, en 2012, offrir un double anniversaire (l’achèvement de ses travaux en 1912 et celui de son tombeau en 1922), quelques destins de monuments de cet art encore trop dédaigné peuvent amener à réfléchir sur la pérennisation de ces œuvres. « A qui la faute et faut-il trouver des responsables ? Question récurrente qui taraude les amateurs et passionnés. Au-delà de l’aspect sordide de la destruction d’une œuvre d’art, quel enseignement doit-on tirer de ce phénomène ? » s’interroge encore tout récemment Jean-Michel Chesné en légende d’une photo sur son blog ( http://jmchesne.blogspot.com/ ) prise sur place été 2008 en compagnie de Jean Linard par son complice Michel Leroux.

Pour mémoire, après avoir rappelé l’émotion suscité par la mise en vente de la Cathédrale de Linard à la fin de l’année dernière, il cite « La Tour au chinois de Jallieu balayée en 1987, la longue agonie de la Villa aux fleurs de Montbard, l’usure progressive des Rochers sculptés de Rothéneuf et tout récemment le démantèlement du jardin d’André Hardy ou la mise en vente de la propriété de Bodan Litnianski ».

Au passage, il exhume les vestiges incongrus près d’Orléans, de la Maison Artistique, « un ensemble à l’aspect un peu fatigué malgré les apparences », dans le village de Jargeau, rue de l’Echo, que les nouveaux propriétaires n’ouvrent qu’exceptionnellement à l’occasion de la journée du patrimoine.

Le miracle du Manège de Petit Pierre


Les exceptions comme souvent, ici comme ailleurs, confirment la règle. Derrière les emblématiques totems que sont Ferdinand Cheval dans la Drôme et Pierre Avezard à Jargeau, près d’Orléans (Loiret), où ce gardien de vaches propose un autre cas de figure avec le sauvetage miraculeux de son manège.

Pierre Avezard, avant de devenir Petit Pierre, c’est d’abord une gueule cassée avant l’heure. Il est né en 1909 victime d’une déformation congénitale qui a torturé spectaculairement les traits de son visage. Ceux qui l’ont connu se souviennent surtout de la douceur, la gravité, l’humilité et la ténacité qui émanaient de son œil valide et rendaient le personnage extrêmement attachant. En 1937, employé à la ferme La Coinche, prés de Jargeau, commence la construction de ce qui va devenir vingt ans plus tard son « manège ». Les tôles et les boulons récupérés sur un avion allemand qui s’est écrasé en 1942 dans un champ à proximité de celui où il fait paître son troupeau, va lui procurer de la matière première. Sa drôle de machine achevée en 1955 qu’il fait fonctionner en pédalant lui-même, Petit Pierre reçoit bientôt à la belle saison des centaines de visiteurs accueillis par ses gags semés ici et là qui le rendent hilare : des avions bombardiers dont les billes lâchées sur les tôles provoquant un vacarme épouvantable, une « vache électrique » douchant le spectateur autant que le portillon de sortie…c’était « un écheveau complexe de cames, de tringles, de galets, de courroies… » explique Laurent Danchin qui découvre, à la fin des années 1970 « cette étonnante machine poétique » qu’il va contribuer à sauver. Rescapé de deux hémiplégies, Petit Pierre qui a rejoint une maison de retraite à Jargeau, suit de loin les menaces qui cernent son œuvre. Il a plus de 70 ans et les travaux de la tangentielle Orléans-Châteauneuf approchent du site du manège « alors perdu en pleine campagne, parmi les champs de blé et de maïs » comme le découvre Laurent Danchin.

Sollicitée, la région Centre avait mis deux architectes de la ville de Tours, Jean-Yves Barrier et Jean-Claude Drouin sur un projet de serre aérienne de béton, de verre et d’acier qui devait protéger l’œuvre. Coût global estimé 1,8 millions de francs (300.000 euros environ) et le ministère ayant déjà inscrit à son budget 1983 « Arts Plastiques » un million, le complément financier aurait été assuré par la région et le département…

Le 25 août 1985, Pierre Avezard offre sa dernière représentation. Il a 75 ans. « Dans les 15 jours qui suivirent, les enfants des environs pillèrent la « maison du Manège » chapardant ou arrachant tout ce qu’ils purent saisir ». Passa un hiver. Laurent Danchin, à l’occasion d’une série d’émissions sur les musées d’art brut réalisée pour France Culture fait alors la connaissance de Alain et Caroline Bourbonnais, fondateurs de La Fabuloserie à Dicy, en Bourgogne, parc paradisiaque pour les œuvres d’art brut en souffrance. Minutieusement démonté, transporté et remonté, le Manège de Petit Pierre déménagé pendant l’été 1987 a fonctionné de nouveau le 26 août 1989, trois ans, à un mois près, avant la mort de son créateur qui, paraît-il, réserva sa dernière pensée à ses outils.



Questions à Laurent Danchin


Les « environs imaginaires » ne sont pas des étoiles perdues dans une galaxie inconnue. Ils font partie, en tout cas pour certains d’entre eux, d’une grande famille qui cherche encore sa place au sein de l’art contemporain et moderne, l’art brut.

Michel Leroux, collectionneur d’art brut, rappelle que selon la définition de Jean Dubuffet, l’art brut est celui des malades mentaux, des psychotiques qui en outre sont exemptes de culture artistique. Il préfère regrouper ces artistes « qui se sont laissés débordés par leurs passions créatrice » dans un milieu naturel, sous une catégorie qu’il nomme « Environnement d’art populaire ».

L’Art outsider désigne les créateurs autodidactes marginaux solitaires sans influence du milieu artistique. Cette perception est défendue par John Maizels, peintre marginal qui a créé en 1989 la revue anglaise Raw Vision.

On parle également de Folk art, d’art naïf, d’art visionnaire, art singulier.

Laurent Danchin, correspondant de Raw Vision, propose une définition qui a l’avantage de tracer les frontières souvent indicibles de cet art.

Quelle est votre définition de l’art brut ?


Les auteurs n’ont pas la prétention de faire de l’art – c’est un art non-savant-inspiré –ce sont des créateurs de mondes intérieurs extrêmement forts et riches - relevant de la culture populaire. Un art instinctif, autodidacte.

Quel est son origine ?

Ses origines. En gros trois domaines s’imposent : les asiles d’autrefois, mais attention tous les « fous » ne font pas des choses intéressantes ; il y a l’art brut des médiums. Encore faut-il distinguer l’art médiumnique brut du savant. Ces artistes se croient inspirés par des esprits dans une sorte de transe tranquille analogue à un léger somnambulisme ; Et puis il y a l’art brut des marginaux, des excentriques, des « fadas » qui créent à la sauvage.

Où en est-on ?

Nous arrivons à la phase de vulgarisation et de banalisation de l’art brut avec une génération de jeunes doctorants et étudiants de l’Ecole du Louvre qui se spécialisent en art brut ou art populaire contemporain.

L’art brut n’est plus ce qu’il était ?

Il devient une page de l’histoire de l’art et entre dans l’institution. Un marché de l’art brut se développe en Europe et aux Etats-Unis avec l’Outsider Art Fair de New York ou la galerie Christian Berst à Paris. L’art brut devient « tendance ». Il existe toujours mais les vraies découvertes sont noyées dans le mauvais art brut qui se répand un peu partout.

Comment reconnaître le bon grain de l’ivraie ?

Je pense, entre autres, qu’il est urgent de définir les critères du bon et du mauvais art brut. Parce que tout ce qui est « brut » n’est pas forcément de même valeur ni de même qualité. Et art brut ne veut pas dire forcément que c’est excellent.

Ces lieux représentent chaque fois l’œuvre solitaire d’une vie. Pourquoi les protéger ?

Chaque fois que dans un village, une campagne, une région, on sauve un de ces lieux originaux où une forte personnalité s’était incarnée, on contribue à redynamiser cet espace et à recréer de la vie dans un tissu social en déconstruction ou en voie de désertification. Un seul Palais Idéal fait vivre des commerces, attire des touristes redonne une identité à un lieu mort.


Chefs d’œuvre morts ou en péril


La France serait en embonpoint de patrimoine. Pauvre petite fille riche ; des pays se contenteraient de bien moins. Et cette obésité a pour victimes directes…
Pierre Shasmoukine, versaillais comme son pseudonyme ne le laisse pas soupçonner, au bout de 40 ans, aimerait enterrer la hache de guerre avec son maire qui le chiquenaude sur des bornes cadastrales. Sur les deux hectares de bois à champignons dont il avait hérité en Périgord noir, à la lisière de Sarlat - à Sarlat la Canéda exactement- l’artiste s’est vengé en dédiant à l’édile ancien ministre, un passage. « L’Impasse de Peretti ». Une voie sans issue qui cache toutes celles qui quadrillent Gorodka, ce lieu qui n’inspire aux visiteurs que des superlatifs. « La situation est catastrophique » clame Sophie Lepetit, auteur d’un blog – Les Grigris de Sophie – des plus passionnés sur l’Art brut. Cette « pasionaria », ne parvient pas à comprendre l’injustice imposée au domaine extraordinaire et à cet artiste qui en accueille d’autres en résidence…Où le visiteur séduit peut bénéficier d’un gîte afin de profiter des émotions singulières que l’endroit diffuse de jour comme de nuit, différents à chaque saison.

Au cœur des terres comme en bord de mer, les remous produisent les mêmes plaintes.

A Honfleur, la Forge de Florence Marie est logée à la même enseigne que Gorodka. « Même problèmes, même non reconnaissance » se désespère cette avocate-blogueuse qui passe aussitôt à une autre plaidoirie.

Cette fois, le client c’est Bodan Litnianski, à Viry Noureuil. Sur le portail de La Maison aux coquillages un panneau « A vendre » signifie la peine capitale. L’homme l’a construite avec des matériaux de récupération, réalisant du beau avec ce que les autres jetaient. Des Chinois ont été intéressés mais les petits enfants de l’artiste préféreraient que l’endroit soit entretenu et ouvert au public…

Et Danielle Jacqui à Roquevaire, près de Pont-de-l’Etoile, qui ne sait pas ce que va devenir sa Maison-de-celle-qui-peint et son grand œuvre, Le Colossal d’Art brut. Il y a bien eu naguère un projet l’associant à la gare d’Aubagne. Ça ne s’est pas fait. Alors « la brodeuse » a du enfiler la vieille tunique prétexte de Pénélope. Et attend.

Les œuvres de Jean Smilowski ont été récupérées in extremis au pied d’une benne…Pour finir dans un grenier où elles attendent l’oubli sinon la fin. Un catalogue d’exposition a été confié au LaM il y a une dizaine d’années…

« Ceux qui aiment l’Art Brut savent ce que sont devenues les maisons, les jardins de Chomo, d’André Hardy, de Franck Barret, de Guittet…La liste est longue et douloureuse des lieux à jamais disparus, des lieux pillés ou vandalisés…» se lamente Sophie Lepetit qui rappelle qu’à Sénas, Arlette, la veuve de Raymond Reynaud cherche désespérément une solution…

André Hardy a vendu sa maison récemment pour gagner la maison de retraite. Lui aussi avait transformé son environnement, installant ici et là dans la petite prairie qui entourait son habitation de grandes sculptures. Ce sont elles qui ont fait baisser le prix de vente et l’affaire faite, le nouveau propriétaire s’est débarrassé des œuvres. Heureusement, Michel Leroux passait par là. Il a alerté d’autres collectionneurs et deux musées dont celui de Villeneuve d’Ascq (le LaM) ont acheté certaines sculptures. Trois en ce qui concerne ce dernier. Des lots de consolation.

L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. La maison de Robert Vasseur a été reprise par son fils. Si le lieu ne peut plus être visité – les normes de sécurité laissent à désirer – l’héritier le réhabilite en ajoutant ses propres touches. Évidemment on peut craindre qu’avec le temps l’original ne disparaisse sous un entretien zélote. A moins que ce passage de relais n’aboutisse un jour à la réussite filiale d’une œuvre à quatre mains…

Plus étonnante l’histoire de Philippe Aïni. Cet ancien pâtissier de Bordeaux reçoit en 1990 commande d’une fresque à réaliser dans la chapelle à cinq pans de la petite église Saint-Michel du village de Flines-lez-Raches. Il y travaille jours et nuits pendant deux mois presque en état extatique et le 21 juin 1990, la fresque (13x7 mètres) aux 90 personnages est inaugurée en grandes pompes par les élus entourés de six cents personnes. Le rêve d’immortalité de l’artiste va virer bientôt au cauchemar. L’œuvre va régulièrement être vandalisée. On casse les doigts des personnages, pratique des trous que l’on rempli de gros sel (pour conjurer le diable et détériorer le support!) avant que ne viennent les « bombages ». Bref ! Au bout de deux, le maire lui ordonne d’enlever sa fresque, ce qui est pratiquement impossible à moins que de la détruire. Le curé a été muté et vingt ans plus tard, la fresque est toujours dans la chapelle, mais recouverte d’un voile pudique.

Que dire des rochers sculptés par l’abbé Fouré à Rothéneuf, près de Saint Malo (Ile-et-Vilaine) livrés à l’exploitation sans vergogne d’un site non entretenu pour des visiteurs auxquels on propose une version fantaisiste de la vie de ce prêtre qui avait conçu son œuvre pour récolter de l’argent pour les pauvres ?

La Tour au chinois de Jallieu (Isère) a été balayée en 1987 et la Villa aux fleurs de Montbard (Côte d’Or) a disparu après une longue agonie. Comme La Vacherie à Troyes (Aube)


Bibliographie

Mondes imaginaires, Taschen, 1990
John Maizels, L’art brut, l’art outsider et au-delà, Phaidon, 2003
Laurent Danchin, Art brut –L’Instinct créateur, Gallimard, 2006
Bruno Montpied, Eloge des jardins anarchiques, L’Insomniaque, 2011
Marielle Magliozzi, Art brut, architectures marginales, L’Ecarlate, 2011
Gabriele Mina, Costruttori di Babele, 2011
Jo Farb Hernandez, ouvrage en préparation sur les sites espagnols.



Blogs

Animulavagula : http://animulavagula.hautetfort.com
Jean-Michel Chesné : http://jmchesne.blogspot.com
Les Grigris de Sophie : http://lesgrisgrisdesophie.blogspot.com
Le poignard subtil : http://lepoignardsubtil.hautetfort.com
Mycelium : www.mycelium-fr.com
Raw Vision : www.rawvision.com



Expositions

* Marcel Storr, bâtisseur visionnaire, Le Pavillon Carré de Baudouin, Paris 20 ème, du 16 décembre 2011 au 10 mars 2012.

* La Halle Saint Pierre prépare une exposition d’œuvres venues d’Italie (22 mars 2012 – 6 janvier 2013) « un événement qui balaiera de la fin du XIX ème à nos jours des œuvres italiennes sous le titre Banditi dell’Arte (Les bandits de l’art) ». Ouvert en 1986 cet espace dédié alors à l’art naïf, s’est orienté vers l’art brut et singulier puis l’art marginal suite à l’exposition en 1995 Art Brut et Compagnie, réalisée grâce à cinq collectionneurs majeurs. Ce lieu culturel forme désormais une sorte de trait d’union entre le musée et la galerie.


lundi 9 janvier 2012

" CHEFS-D'OEUVRES D'ART BRUT CHERCHENT SAUVEURS " PAR PATRICK MARTINAT



                                        (photo Apolline Lepetit)

Le 6 janvier 2012 LE MONDE numérique a publiè un article de Patrick Martinat  :
 "Chefs-d'oeuvre d'art brut cherchent sauveurs" .


" La Cathédrale de Jean Linard, dans le Cher, est à vendre. La Maison aux coquillages de Bodan Litnianski, dans l'Aisne, aussi. Le Village de Gorodka de Pierre Shasmoukine, dans le Périgord noir, compte ses jours. Comme Le Colossal de Danielle Jacqui dans les Bouches-du-Rhône. Chefs-d'oeuvre en péril de l'art brut, plus précisément "environnements imaginaires", en voie de disparition, voire déjà disparus. Presque tous les rescapés sont en sursis. Leur faute ? Appartenir à une catégorie à la fois à part et dérangeante de l'art contemporain.

Sauver ces monuments populaires est un combat que mène depuis quarante ans le critique Laurent Danchin, qui se considère comme un "défenseur des créateurs oubliés". Pourtant, Jean Dubuffet, le père-fondateur de l'expression "art brut", et André Breton les ont défendus. Claude Lévi-Strauss y est allé de son éclairage sur ces oeuvres de bricolage, leur conférant une valeur artistique déterminante. Ça n'a pas suffi. Ces créations souvent monumentales, mais réalisées avec de pauvres moyens, sont trop encombrantes pour les musées, et généralement fragiles, menacées par un simple coup de tempête ou un hiver rigoureux...

Conscient qu'il n'y a pas de temps à perdre, Laurent Danchin va à l'essentiel, n'hésitant pas à parler d'urgence. Il nous entraîne d'abord au fond de la forêt de Fontainebleau (Seine-et-Marne) où il avait déniché Roger Chomeaux, dit "Chomo", presque à ses débuts. L'homme avait installé là son "Village d'art préludien", que sa mort, en 1999, a laissé en semi-abandon : "Après la mort de Chomo, nous avons réussi à mettre ses oeuvres à l'abri, mais les bâtiments ne sont pas sauvés et ils sont extraordinaires."

C'est l'un de ces sites en sursis. Un autre danger le mène du côté de Dives-sur-Mer (Calvados). Vers la Maison bleue d' Euclides Ferrera da Costa, "le plus beau lieu de mosaïque d'art brut à part la maison Picassiette à Chartres". Dans cette guerre des tranchées, Laurent Danchin n'hésite pas à utiliser un lance-flammes contre le bûcher des vanités de certaines instances culturelles. "Longtemps, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont traité avec le plus profond mépris ces lieux de création. Pas assez valorisants à leurs yeux."

Cet état d'esprit a autorisé la disparition de chefs-d'oeuvre de l'art brut. Un naufrage parmi d'autres, la création du "Caillouteux" : "A Mantes-la-Ville (Yvelines), un cheminot, Marcel Landreau, avait dans les années 1960-1970 réalisé des statues extraordinaires, dont certaines, en silex, étaient animées. A la fin de sa vie, il a dû se résoudre à vendre sa maison, son oeuvre, à un acquéreur qui avait promis d'entretenir le lieu... Et qui a tout démoli au bulldozer. Landreau est mort peu après dans son village natal. De tristesse."

Les anecdotes font cortège. Le Jardin des supplices de Marcel Besse a subi le même sort du côté de Villeréal (Lot-et-Garonne). La vente en 2004 avait pourtant été assortie d'une promesse de sauvegarde... Il ne subsiste que quelques oeuvres que l'artiste avait emportées avec lui. Le Jardin de nous deux, dans les faubourgs de Lyon, à Civrieux-d'Azergues, Charles Billy l'avait consacré à l'amour partagé avec sa femme, qui l'avait aidé à réaliser l'immense porte, "une prouesse technique", selon Laurent Danchin. Les nouveaux propriétaires ont tenu ce qu'ils ont promis. Ils ont même ouvert le site à l'occasion des Journées du patrimoine. Mais ont fini par avouer qu'ils n'avaient pas les moyens de s'en occuper...

"Que ce soient les héritiers ou de nouveaux propriétaires, tant que ces endroits ne sont pas reconnus, on ne peut rien faire. Ce sont chaque fois des questions d'ordre privé", constate Laurent Danchin, qui ne perd pourtant pas espoir : "Les temps changent et le public y est pour beaucoup. On assiste à une sorte de retour du refoulé de l'art contemporain trop intello qui ne jurait que par le rejet du pathos, de la moindre émotion. Le public vient en masse visiter ces lieux."

Le critique voudrait créer un fonds de dotation pour aider les lieux menacés. Car certains peuvent être sauvés. Les 39 statues de ciment et de matériaux de récupération du Jardin humoristique de Fernand Chatelain à Fyé ont bénéficié, en 2003, d'une mobilisation générale (et singulière) des collectivités locales et d'une astuce via l'Unesco, dont le label obtenu pour cinq ans a permis d'attendre les renforts financiers.

Et certaines institutions s'intéressent enfin à la question. Le Musée d'art moderne Lille Métropole (LaM) a ouvert en septembre 2010 une salle de 900 m2 exclusivement consacrée à l'art brut, profitant de la collection que des passionnés constitués en association, l'Aracine, lui ont offerte. "Les associations peuvent jouer un rôle important", confirme Savine Faupin, conservateur du LaM, tout en confessant les limites de l'institution. "Nous essayons de récupérer des situations délicates. Mais même si les moyens étaient plus importants, des situations restent compliquées." Ainsi Jean Smilowski, dont les oeuvres récupérées in extremis au pied de la benne s'entassent dans un grenier, Arthur Vanabelle, dont la Ferme des avions, près de Steenwerck (Nord), jouxte l'autoroute Lille-Dunkerque. Les oeuvres d' André Hardy sont des miraculées, grâce à un collectionneur, Michel Leroux. Des lots de consolation...

Le galeriste parisien Christian Berst pose la question en forme de boutade : "L'art brut est-il soluble dans l'art contemporain ?", avant de défendre une position sans concession : "L'art brut est la dernière "terra incognita" de l'art, qui reste à défricher." Son accueil dans un musée comme le LaM ? "N'est-ce pas tout simplement un enterrement de première classe ? La muséification peut être un mausolée." Pour lui, "l'art brut est dans un ghetto depuis 1945 et les choses n'ont pas avancé d'un pouce depuis". Cette amertume est partagée par quelques blogueurs souvent passionnés, et de trop rares collectionneurs. Tous persuadés que cet art faussement mineur vaut bien des majeurs."



 * Le blog Les Grisgris de Sophie propose une galerie très fournie de lieux d'art brut :
http://lartbrutetleslieuxinsolitesdesgrigris.blogspot.com/

* L'association A.m.l.s. (Art marginal - Insolite - Singulier) dresse une liste de liens consacrés à l'art brut :
http://www.art-insolite.com/pageinsolites/pages/insoliteconcept.htm

* "Gorodka", l'univers créé il y a quarante ans près de Sarlat par Pierre Shasmoukine, est présent aussi sur Internet :
http://www.gorodka.com/


 *** Demain un autre article de Patrick Martinat sur Les Grigris :
Gorodka, la Vacherie, et le manège de Petit Pierre


http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/01/06/chefs-d-oeuvre-d-art-brut-cherchent-sauveurs_1626709_3246.html

mardi 20 octobre 2009

JEAN SMILOWSKI : LE RÊVE MERVEILLEUX (2)



 
Le rêve merveilleux


"L'œuvre de Jean Smilowski comprend des peintures, des meubles peints, des valises décorées sur toutes les faces, des boîtes et des trousses de toutes tailles, des jouets, des poupées, des maquettes… et trois livres uniques. Deux cahiers de dessins se rapportent à l'histoire et aux religions. Le plus étonnant est un livre relié artisanalement à l'italienne qui réunit des centaines de dessins ornés de couleurs vives. Jean Smilowski a inscrit "1639 pages" au début et "Finis" à la fin, sans oublier d'y mettre son nom. À la page 1031, un cow-boy vêtu d'une chemise rouge s'est endormi auprès de sa guitare et fait un songe où apparaît la belle indienne :

" J'ai fait un rêve merveilleux
ramona nous étions partis tous les deux,
nous allions lentement vers le pays radieux...."

Philippe Lemaire




" Jean Smilowski, 1927-1989, fils d'immigrés polonais, a vécu de 1943 à 1985 dans une cabane construite au milieu des jardins ouvriers du Vieux-Lille.
Là, à l'insu de tous, il a créé son propre monde merveilleux…
Marginalisé par une société qui avait précocement rejeté le fils d'immigrés polonais qu'il était, Jean Smilowski a toute sa vie connu une grande précarité qu'il est parvenu d'une certaine manière à transcender par la force de l'imaginaire et par une création singulière...."




*** lire la suite de cet article écrit dans La Nouvelle Revue Moderne par Patrick Lepetit (numéro 24 - été 2009 ) en cliquant sur le lien ci-dessous :

LE LIEN

*** Le rêve merveilleux (1) sur Les Grigris de Sophie : ICI

*** Et si vous désirez voir deux vidéos sur la cabane de Jean Smilowski :

ICI 

ICI

(cliquer sur les liens) 



lundi 19 octobre 2009

SMILOWSKI AU PALAIS RIHOUR A LILLE


 
 
 
Parce que j'aime Lille, l'art brut, le cinéma il me paraissait indispensable de voir ce week end l'exposition JEAN SMILOWSKI dans la salle du Conclave du Palais Rihour .....







" Fils d'immigrés polonais, l'artiste autodidacte a vécu plus de quarante ans dans sa cabane au milieu des jardins ouvriers, près des fortifications du Vieux-Lille.

Une expo-parcours répartie sur quatre sites symboliques de sa vie lui rend actuellement hommage.

« Voici un lieu chargé d'histoire digne des rêves de cet homme », commente Bénédicte Lefebvre, présidente de l'association La Poterne, qui a pour objectif de sauvegarder son oeuvre et de la faire connaître. Entourée de nombreux amis de l'artiste, elle inaugurait il y a peu au palais Rihour l'une des quatre expositions qui lui sont dédiées.

Toiles, tableaux, poupées, malles fabuleuses, objets peints : les visiteurs découvrent l'oeuvre foisonnante et colorée de celui qui parcourait le monde et les époques par la pensée.


Abordant tous les thèmes (la guerre, le sacré, l'amour, le cinéma...), il avait su trouver en lui les ressources pour transformer la souffrance et la solitude en un paradis conçu de toutes pièces. Billets de banque, magazines, timbres : ses sources d'inspiration étaient multiples !


Dans ce royaume imaginaire, Sitting Bull côtoie Ramona et les déesses indiennes. Tous ces trésors s'empilent dans son « ranch » lorsqu'un jour de 1985 commence le réaménagement des jardins de la Poterne. Désemparé, il quitte son monde merveilleux. Il est relogé par la ville avant de disparaître en 1989. "




Jusqu'au 24 octobre 2009, au Palais Rihour, place Rihour,
du lundi au vendredi, de 9 h à 12 h et de 14 h à 17 h,
les samedi et dimanche de 10 h à 12 h et de 14 h à 17 h.