Les Grigris de Sophie ce sont bien sûr des broches, des colliers et des sacs … mais c’est aussi un blog !

Les Grigris de Sophie ce sont bien sûr des broches, des colliers et des sacs …

Mais c’est aussi un blog ! Un blog dans lequel je parle de CEUX et de CE que j’aime …
HHHHHHHHHHHHHHHHHHHH
Vous trouverez ici des artistes, des lieux insolites, des recettes, des films, des expositions, des musiques, des spectacles, des photographies d’amis ….
Tout ce qui rend la vie meilleure, tout ce qui rend ma vie meilleure !

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Affichage des articles dont le libellé est Prosper Gilis. Afficher tous les articles
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jeudi 31 mai 2012

MES LIEUX D'ART BRUT ET JACQUES LACARRIERE



A Sauveterre-de-Guyenne cet été,  alors que je visitais LE JARDIN GUITTET la bibliothécaire  m'a donné l'adresse de Monsieur Jean-Claude Tillier, président des Amis de la Bastide .
Celui-ci a eu la gentillesse de m'envoyer des photos du jardin au temps de sa splendeur  mais aussi la photocopie de l'introduction du livre " Les inspirés des bords des routes"de Jacques Verroust
paru en 1978 au Seuil . 




 .

Voici aujourd'hui quelques lignes de ce   texte écrit par  Jacques Lacarrière pour accompagner  des photos prises au fil de mes périples  d'Art Brut ...



(Monsieur Clément )

" A mon sens, tout art est ificiel ou, si l'on veut artificiel . Hors le grand avantage de l'autre- l'art non ificiel que ces photos proposent - c'est qu'il envoie paître une fois pour toutes aux prairies du néant toutes ces notions de naïveté , de natur-alité, de brut-alité (pour l'art dit "brut" cher à Jean Dubuffet ) et de nous mettre une fois pour toutes en face de l'évidence :
 il n'est d'art que fait de doigts, de mains , de muscles, de neurones et de cerveaux d'hommes. Il n'est d'art que de ruse, de parades, de supputations et de précautions contre les pièges du vide et de l'ennui, les sables mouvants du néant, l'insoutenable bleu du ciel , la blancheur suspecte de la toile, bref il n'est d'art que d'apposition en mettant quelque chose là où rien n'existait .


                                          
(Prosper Gilis)



Mais oublions cela et tournons-nous vers l’essentiel : lions, guépards, crocodiles, tous fauves de ciment, boîtes aux lettres historiées devenues des maisons ou des hôtel à mots, avion girouettes décollant immobiles pour le grand raid Rosebud-Atlantide, sirènes en parpaing , chevaliers de briques et de broc, palais de coquillages et châteaux de graviers, nains de Blanche Neige , géants de Noir Granit, qui tous habitent l’orée d’un monde qu’on ne visite que rarement.


             (Le Jardin de La Luna Rossa)



Ce qui frappe d’emblée c’est la rusticité et la modicité des matériaux utilisés, rebut de l’art ificiel : ciment, briques, cailloux, coquilles, fils de fer, bois blanc, émaux brisés, assiettes émiettées, toute la poussière d’un monde utilitaire, réutilisée pour devenir les constituants du Nouveau Monde.

J’aime cette désinvolture et cette indifférence aux matériaux traditionnels de l’art. Si la plupart de ces objets n’étaient dehors à subir les intempéries (c'est-à-dire l’intempérance du temps qui fait périr les choses), ils pourraient être faits de matériaux plus humbles encore : papier, brindilles, mie de pain, écorces ou allumettes. Ils n’ont nul besoin de pérennité puisqu’ils ne veulent défier que l’éphémère. Ils sont là pour dire simplement : nous sommes. Ni op ni pop, ni impre- ni expre –ssionnistes, ni figue ni raisin.

Ce que de tels objets supposent autour d’eux, ce ne sont pas les murs blancs des musées ni l’uniforme d’un gardien mais le pavillon de banlieue, la façade en meulière, la véranda à géranium, la salopette du retraité, la truelle et l’auge à ciment. Leur recette est fort simple bien que rarement utilisée : des rebuts + une brouette + un certain regard. Bref ils sont irrémédiablement l’off de tout art officiel.



       (André Gourlet)



Si l’on excepte le palais du facteur Cheval , les rochers sculptés de Rothéneuf, les constructions en mosaïque de Raymond Isidore à Chartres, toutes ces œuvres, des boîtes aux lettres aux fauves et des sirènes aux châteaux forts, brillent en général par leur manque d’imagination . Leurs constituants sont des objets d’usage courant, rendus simplement insolites par la nature hétéroclites des matériaux : avions, voitures, phares, moulins, tours Eiffel, ponts suspendus, châteaux de cartes postales ou animaux d’imageries. Le style de ces derniers fait irrésistiblement penser aux peintres des ménageries foraines ou aux vignettes du catalogue de la Manufacture d’armes et cycles de Saint-Etienne illustrant l’usage des fusils pour la chasse aux grands fauves.


                                                      (Joseph Donadello)


C’est un monde exotique, mais d’un exotisme désuet et stéréotypé. Leur réalisme n’est qu’apparent bien que ces animaux aient une taille proche de leur taille réelle, à l’inverse des monuments qui sont tous miniaturisées. Pauvreté d’imagination qui engendre inévitablement des images conventionnelles. Arbres, chaumières et champignons ont l’allure d’un décor d’opéra pour enfants, d’une forêt de papier peint avec son chêne creux, ses hiboux et ses lapins espiègles. Le but est apparemment est moins d’inventer que de dépayser : sirènes, girafes, lions, nains et champignons introduisent dans l’ennui stéréotypé des jardins de banlieue les habitants d’un rêve tout aussi stéréotypé.



                                                           (Bernard Roux)

Tout comme les matériaux qu’ils utilisent sont le rebut des matières nobles des peintres et sculpteurs ificiels, les rêves employés sont un peu le rebut de l’onirisme des instruits. Ces derniers ont toujours des fantasmes savants, empruntés à l’Egypte, à l’Apocalypse ou à Freud. Aux « autres », à ceux d’ici, il reste les symboles éventés, les rêves d’occasion, les imageries d’opérette ou de films. S’il fallait leur trouver des collègues, à tous ces bricoleurs de rêves bricolés, ce serait les peintres anonymes des papiers peints, les dessinateurs inconnus des marques de camembert et les décorateurs des baraques foraines.


                            (Le Petit Paris)



 (Robert Vasseur)


Car ce qui frappe aussi, en ces inspirés bricoleurs, c’est qu’ils vivent tous aux franges, dans la banlieue du monde riche et installé. Non comme des marginaux, des insoumis ou réfractaires (ce qu’ils ne sont jamais), mais plutôt comme des membres à part entière des Petites et Moyennes Entreprises de Rêves. C’est le monde des anonymes, des oubliés et des laissés pour compte (on aurait presque envie d’écrire : laissés pour conte).


                                           (Arthur Vannabelle)

Ce sont presque toujours des retraités, anciens ouvriers, artisans, commerçants, plus rarement petits fonctionnaires. Le milieu même où, selon les critères du milieu ificiel, on ne s’attend jamais à trouver des « artistes ». Ils viennent des tristes terres de l’ennui, des conventions et des routines ; du pays des vérandas grises, des ampoules de 25 watts, des chiens méchants gardant Mon rêve ou Sam suffit, des margelles de faux puits faites de pneus colorés, des animaux en corne sur les buffets cirés, des poissons rouges flottant dans les mers en plastique. Presque tous vivent dans des pavillons au point qu’on pourrait presque, à leur propos, parler d’un art pavillonnaire. Voilà le monde terne et sans folie où brusquement surgit un dinosaure au milieu d’un parterre, un lion parmi les graviers roses, une sirène sur une pelouse amidonnée. Voici le monde où l’on bricole des continents perdu, où pantouflard rime avec art, où l’on rafistole des rêves à coups de babioles et de colles. Je ne joue pas avec les mots, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Car ce qui marque aussi le plus nettement ce monde aux franges du vulgaire et de la féerie, du mauvais goût et de l’invention pure, c’est une sorte d’ironie sous-jacente, de jeu rabelaisien avec les formes qui font fi justement des conventions et des censures, et laissent s’épanouir le rêve toujours gardé d’un monde autre . C’est au fond le monde des libres songeurs, comme on parle des libres penseurs.


                                                    (André Hardy)

C’est là, en cette orée de l’œuvre où l’homme ne fait qu’aider, souligner ce que la nature a offert ou tracé, en ce seuil où l’on passe du brut à l’ouvragé comme de l’ombre à la lumière, c’est là qu’habitent et demeurent à plein temps de rêve et de fiction les inspirés du bord des routes . J’aime qu’ils vivent ainsi en un monde qui est lui-même entre deux mondes, entre l’art et le bricolage, entre les villes et la nature, entre le jeu et la passion. J’aime ce que jamais on ne définira deux fois. J’aime ce qui échappe (sans jamais être échappatoire) aux catégories ificielles des hétéro didactes des dogmes et de l’art, j’aime que ces inspirés, ces sédentaires de l’ailleurs, ces retraités de l’insolite, ces fonctionnaires en goguette de la Caisse des dépôts et consignation des Fantasmes soient pour nous inclassables, des aberrants de l’art et, qui sait, des prophètes des plus beaux rebuts.


                                             (La maison Picassiette)


                                               ( André Pailloux)

                               (Robert Vasseur)


                                                      (Jean Billon)

                                                (André Morvan)


Cet article est parfois condescendant, pédant peut être dans les termes utilisés mais juste aussi, sincère dans son amour de " ces inspirés des bords des routes" et c'est pour cette raison que j'ai eu envie de le mettre en ligne aujourd'hui  .

ET VOILA LE MOIS A VENIR, MOIS DE MON ANNIVERSAIRE, SERA BRUT OU NE SERA PAS !

Vous découvrirez de nouvelles photos sur les sites de FERNAND CHATELAIN, LOUIS AME, JEAN LINARD, MORALES,  ALEXIS LE BRETON, sur LES ROCHERS DE ROTHENEUF et bien d'autres encore !


*** L'ART BRUT ET LES LIEUX INSOLITES DES GRIGRIS DE SOPHIE
                (cliquer sur le lien)


samedi 22 janvier 2011

LE JARDIN DE PROSPER GILIS (2)

Un premier message sur LE JARDIN DE PROSPER GILIS :


http://lesgrigrisdesophie.blogspot.com/2011/01/le-jardin-de-prosper-gilis.html



Et quelques photos supplémentaires pour Henk van Es qui se réjouit toujours de mes lieux visités !





Le même personnage (dans le livre Mondes imaginaires de Deidi von Schaewen et John Maizels chez Taschen ) avec ses couleurs d'antan, livre que la fille de PROSPER GILIS a pris la peine d'aller nous chercher afin de nous présenter les pages consacrées à son père :



Et encore une photo du jardin en couleurs !



jeudi 20 janvier 2011

LE JARDIN DE PROSPER GILIS

Cet été, en descendant sur Agen, nous avons décidé de visiter le JARDIN DE PROSPER GILIS.

J'avais pris rendez-vous avec Mme Gilis en juin, elle était hélas malade en cette fin du mois de juillet et c'est son fils et sa fille qui ont eu la gentillesse, l'un de venir à notre rencontre (il faut tourner à gauche juste aprés le château de Bonaguil et ...je me suis perdue !) l'autre de nous recevoir et de répondre à nos questions...

Beaucoup d'émotion ce jour là face à un lieu désuet, laissé à l'abandon mais aussi de la peine car il est clair qu'au décés de Mme Gilis ce jardin d'Eden est, pour des raisons familiales, amené à disparaître.








De retour à Reims c'est en faisant de nouvelles recherches sur PROSPER GILIS que j'ai découvert le blog de JEAN-MICHEL CHESNE , un blog magnifique ( dont je reparlerai) qui présente ses dessins-dentelles et les lieux qu'il visite :


" Monsieur Gilis était maçon. Pendant des années, il avait rêvé de constituer sur un petit terrain en bordure de route, traversé par un fossé alimentant un bassin, un "jardin du rêve" peuplé de statues représentant son imaginaire. A la retraite, il s'y attelle et en vient à bout après 3 ans d'efforts. Peu de temps après en 1974, il disparaîtra. Ce petit site insolite est situé aux confins du Lot et en toute saison, la végétation est luxuriante, envahissante et renforce un sentiment de nostalgie accentué aujourd'hui par la lente dégradation des sculptures en ciment. Les couleurs ont désormais pratiquement disparu de la plupart des pièces. Au départ, les statues polychromes s'inspiraient du "Manège Enchanté", une émission de télévision des années Soixante. Cependant, Gilis va rapidement abandonner ces personnages pour constituer son propre univers. "

" Sous l'oeil de la statue du Général De Gaulle, à côté du grand homme un éléphant représente la sagesse et la force, un tigre a la nature guerrière symbolise le héros de la résistance, plus loin, en contrebas une scène idyllique dans laquelle un chien, un ours, un kangourou et un zèbre vivent en paix alors qu' un boa constrictor s'enroule paisiblement auprès d'un flamant rose. "


Dans un autre article Jean-Michel Chesné évoque de nouveaux renseignements donnés par Jean-François-Maurice sur les conditions réelles de la création de cet endroit :


" Nous croyons tout savoir sur les sites les mieux connus de notre région mais ces créations singulières nous réservent toujours des surprises ! C’est mon ami Denis Lavaud et sa revue Zon’Art qui m’avaient sortis de mon sommeil dogmatique en me demandant tout simplement le prénom de celui que nous appelions tous Monsieur Gilis. Je suis donc retourné une nouvelle fois sur les lieux et j’ai passé l’après-midi avec la veuve de Monsieur Gilis que je connaissais de très longue date puisqu’elle était cuisinière à Bonaguil dans les années soixante-dix et donnait la soupe à mon ami « Froment » qui y exposait à cette époque. Comme quoi les plus familiers ne sont pas les meilleurs témoins ! Le prénom usuel de Monsieur Gilis est Jean. Mais ce n’est pas son vrai prénom ! En réalité, il s’appelait Prosper Gilis mais, comme me l’a dit sa veuve, il n’aimait pas du tout ce prénom ! Prosper Gilis était donc maçon et la construction du site commence avec sa maladie car ce petit site enchanteur est en fait emprunt de tragédie. Nous sommes fin 1967, début 1968. Jean Prosper Gilis souffre de « sciatique ». Son travail artistique s’est limité jusque la à un buste de Napoléon, pour lequel il avait semble-t-il de l’admiration, en vaisselle cassée façon mosaïque sur la terrasse en ciment de sa maisonnette. Gilles Séraphin, l’inventeur des graffiti de la Grosse tour du château de Bonaguil, m’a décrit les lieux à l’époque comme un capharnaüm avec vieilles carcasses de voitures et autres joyeusetés. Or la « sciatique » est en réalité un cancer de la vessie qui évoluera en cancer généralisé. Gilis meurt en 1974, à soixante-sept ans.

C’est donc selon le témoignage de sa veuve en moins de six ans avec une activité fébrile durant trois ans que ce site a été réalisé. Plus incroyable encore, c’est un homme alité qui était à l’ouvrage. En effet, Jean Prosper Gilis travaillait devant sa cheminée allongé sur une chaise longue. On lui apportait une gamelle de ciment, du plâtre et du ciment prompt. Il façonnait ses personnages en papier journal qu’il liait d’abord avec des ficelles puis avec du fil de fer. Il passait ensuite des couches et des couches de ciment, utilisant le plâtre pour le premier modelé des visages et le ciment prompt comme durcisseur mais surtout comme imperméabilisant. Ensuite les animaux et autres personnages étaient peints. Si, dans les premières années, Jean Prosper Gilis allait lui-même installer ses créations, ensuite il indiquait de sa terrasse, l’emplacement qu’il souhaitait pour organiser son jardin du rêve. "





" Il me faut maintenant détruire une légende, légende que j’ai moi-même contribué à répandre. Jean Prosper Gilis a effectivement réalisé son auto-portrait. Et tous de répéter, y compris moi, que le personnage en haut du site, à côté du Général De Gaulle, c’est Gilis. Eh bien non, absolument non ! La réalité est à la fois plus cocasse et plus tragique : plus cocasse, car cet homme, ce petit homme, c’est le percepteur ! Plus tragique car l’autoportrait est une des dernières pour ne pas dire la dernière sculpture réalisée par Gilis. Il avait tellement l’angoisse de ne pas réussir à la finir qu’il en devenait fébrile. « Il s’énervait, il se mettait en colère, il n’y arrivait pas, il gâchait… », me raconte sa veuve, « il lui faut terminer rapidement, il a peur de pas pouvoir, il a recommencé plusieurs fois… ». Alors se réalise l’impensable : Jean Prosper Gilis va mettre son visage sur le corps d’une autre sculpture, celle du gendarme, ajoute la casquette ! Oui !, l’autoportrait authentique de Gilis c’est le gendarme qui de son bâton blanc intime l’ordre au passant de s’arrêter au portes du rêve ! "






Le jardin de PROSPER GILIS en anlais sur le blog d'Henk van Es :

Jean Prosper Gilis
(5 km de Fumel)
47500 Saint-Front-sur-Lémance