Les Grigris de Sophie ce sont bien sûr des broches, des colliers et des sacs … mais c’est aussi un blog !

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Mais c’est aussi un blog ! Un blog dans lequel je parle de CEUX et de CE que j’aime …
HHHHHHHHHHHHHHHHHHHH
Vous trouverez ici des artistes, des lieux insolites, des recettes, des films, des expositions, des musiques, des spectacles, des photographies d’amis ….
Tout ce qui rend la vie meilleure, tout ce qui rend ma vie meilleure !

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mardi 4 mars 2014

ROLAND DUTEL : LA DEMEURE AUX FIGURES A DIEULEFIT

J'ai profité de ces vacances pour rencontrer ROLAND DUTEL et enfin visiter sa "Demeure  aux figures "...
Une riche et belle visite ! Il y avait fort à voir en extérieur,  puis à l'intérieur et les heures que nous avons passées seuls à regarder chaque parcelle de la façade et du jardin , chaque dessin puis en sa compagnie invités à boire thé et café furent pour moi un beau moment d'échanges  ... L'homme parle volontiers de son travail, de son parcours  mais est curieux des autres et évoque avec plaisir les artistes qu'il aime .

 ROLAND DUTEL est né en 1955, il se définissait en 1993 comme un sculpteur bâtisseur. C’est parce qu’il voulait construire des piliers pour installer un portail neuf dans la cour de sa maison et qu’il avait remarqué des briques et des poteries à la décharge publique qu’il commença en 1989 la construction de ce  lieu insolite: La Demeure aux Figures, à Dieulefit, dans la Drôme (Construction répertoriée dans le livre : La France Insolite de Claude Arz et dans Les Mondes imaginaires de Maizels )
Il a créé un univers fantastique de mini-jardins, de façades, de murs et de cavernes en utilisant des pierres volcaniques, des briques et des poteries retaillées et remodelées selon sa fantaisie. Cette maison est à la fois, atelier, galerie, maison mais aujourd'hui  l'artiste n'habite plus sur place ..

En ce moment il travaille sur le thème du cirque, du clown  mais il a eu différentes périodes dans sa vie (la période des Christ, des bénitiers, des Don Quichotte ...)
Il a travaillé sur tous les supports possibles, avec des matériaux nombreux et variés ( sculptures en pierre volcanique, bois flottés peints, céramiques, peintures, linos découpés ...)
Lorsqu'il crée ROLAND DUTEL traverse différentes étapes, il y a des oeuvres qui partent au rebut, des oeuvres qu'il garde et qu'il ressort -un jour- pour une création nouvelle et enfin des oeuvres qu'il juge satisfaisante et qu'il  garde ...
ROLAND DUTEL a eu plusieurs vies (maçon, charpentier, menuisier, il cardé et filé la laine - d'où peut être son envie récente de faire faire des tapis en Inde à partir d'un de ses dessins ou d'une de ses  toiles)
Il ne travaille qu'avec des gens qu'il aime, il bien connu Raymond Reynaud et Arlette, a exposé avec Marie Morel ...
Mais ROLAND DUTEL est aussi collectionneur, très érudit  en Art Brut, en art en général ...
C'est un savant autodidacte et un homme étonnant .




Guénola Moreau a rencontré ROLAND DUTEL en octobre 2011 

Voici un texte tissé à travers le souvenir de bribes de conversation...l'histoire d'une rencontre, ce ne fut pas la mienne mais ce texte est superbe et mérite lecture ...

" Elle ne s´appelle pas la demeure aux figures ni le labyrinthe. Roland Dutel n´a pas besoin de baptiser sa maison, il la vit et l´a vécue.
Il n´y vit quasiment plus.
Il ne sait plus s´il veut encore l´exposer aux regards des curieux ni s´il doit recevoir une curieuse de passage, hypnotisée par ses figures. A quoi bon s´attarder sur le passé ? semble t- il vous demander en silence…
 Il soupire, je songe qu´il faut peut-être tourner les talons, renoncer. Et si ce passé est beau à regarder, arrête mes pas pour me demander quels présents y recèlent encore ? Incertaine, je suis prête à rayer ce détour de mon parcours et dépasser Dieulefit. Non, Dieu ne le fit pas, me dis-je…Dieu fit quoi d´ailleurs ? m´interrogeai-je encore lorsque je l´entends me dire « bon allez, d´accord, demain, 14 heures. » Jubile ! Dieu le fit, Roland Dutel aussi. Une entorse à l´oubli, une attention divine. Rendez-vous est pris.
Et pourtant, le lendemain, lorsque je frappe à sa porte, j´hésite. L´été indien s´attarde, mes joues rougissent sous un soleil étonnamment brûlant, et le vin que j´ai eu l´imprudence d´accepter durant le déjeuner m´étourdit un peu. Il faut contourner la maison et monter une petite ruelle pentue pour parvenir à l´entrée, là où il n´y a plus de figures qui vous guettent du coin de l´œil : « Que nous veux-tu, toi l´égarée et la curieuse ? » J´ai toqué légèrement, incertaine et en proie comme souvent aux démons intérieurs de la timidité : celle qui vous chuchote toujours à l´oreille « tu déranges peut-être, passe ton chemin »…Nous avions convenu que le rendez-vous pouvait être annulé car Roland Dutel était occupé ailleurs, cela lui était compliqué de venir. Encore une fois, lorsque je croyais sa maison close et m´écartais de la porte d´entrée, j´entendis celle-ci s´ouvrir et mon hôte m´invita à passer. Nous descendons un escalier qui mène à une grande cuisine donnant sur la terrasse. Les figures sont là, toutes proches, figées sur la façade et me lorgnent « tiens, voilà un visage nouveau ! ». Mon hôte paraît sérieux, un peu sombre mais dégage quelque chose d´aimable et doux. Timide lui aussi peut-être, un rien sauvage. Mon esprit se bat déjà avec des excuses, la meilleure façon de lui signifier que je ne le dérangerais pas longtemps, mais le voilà qui me propose un café. Et la conversation s´engage naturellement, sur des sujets divers : les milliers d´œuvres qu´il voit chaque semaine en participant à des enchères sur la toile, les horreurs que fait la mairie dans le village, la possibilité de vivre ou non avec une œuvre : « il y  a des peintures que l´on aime et puis, une fois au mur, ça ne passe pas. Il y a quelque chose qui fait que l´on ne peut pas vivre avec. Et pour d´autres, c´est le contraire, on ne pourrait pas s´en passer». Je pense en effet à un dessin de Philippi chez moi que je ne supporte plus – mais je ne me l´étais pas avoué jusque là et ne le décrocherai qu´en rentrant, constatant en effet que je ne pouvais littéralement plus « le voir en peinture » – et à un collage de Jean-Michel qui, au contraire, me suit partout depuis la Chine comme un fétiche rassurant. Mon regard parcourt la pièce pour essayer de saisir l´essence de ses œuvres à lui : il y a quelques tableaux accrochés au mur, un brouhaha de couleurs avec des scènes qui accrochent la pupille – mais je ne lui demande pas s´il en est l´auteur – et sur la table à côté de nous, plusieurs sculptures colorées et vernies, se tenant là, bruyantes dans leur silence, semblant attendre leur tour de parole. Ce sont des personnages, d´autres figures… J´ai envie de toucher, je n´ose pas. « Qu´en pensez-vous, vous autres ? » Elles ont un air farouche. Il y a aussi contre une commode et une paroi plusieurs œuvres serrées les unes contre les autres, faces cachées, ne dévoilant rien de leur beauté. M´exposant seulement à leur mystère. De nouveau, un souvenir court-circuite mon attention: les tableaux de John, mon colocataire irlandais à Barcelone il y a quelques années, empilés ainsi dans un petit débarras derrière ma chambre et que j´avais eu la curiosité de soulever un jour où je cherchais là une bombonne de gaz. J´étais alors restée interdite en découvrant des toiles totalement noires : du noir sur du noir et parfois, l´éclair d´une trace plus claire, à peine perceptible. La multitude d´œuvres pareillement sombres leur conférait un je ne sais quoi d´inquiétant. John était aussi insaisissable que ses toiles de fait, vivant de je ne savais quoi, s´alimentant presque exclusivement de toasts et de graines par foi végétalienne, sortant peu de sa tanière. Je savais qu´il avait peint pendant les quelques années où il avait vécu à Paris. Il aimait ajouter qu´il n´y avait pas appris le français et y avait beaucoup fait la fête comme pour me rassurer sur la préexistence d´un état relativement normal où il était fait de chair et de sang. Néanmoins, vie festive et peinture (au noir, mais ça il ne le précisait pas) constituaient une page tournée. À présent il méditait. Les tableaux étaient pourtant là, témoins d´une époque révolue de sa vie, recoin réellement sombre de la mémoire. J´avais quitté la pièce en me demandant avec quel genre d´individu je partageais un toit, dormant presque chaque nuit à deux pas de « Mister black »…
Je chassai le souvenir barcelonais de mon esprit et repris le fil de la conversation dutelienne sans cesser de me demander si ces œuvres empilées là, échappant au regard, recélaient un mystère semblable et soupiraient sur un temps mort. Dutel n´aime pas évoquer le passé. Lorsque je lui demande par exemple s´il garde une trace des œuvres vendues (une photo, des esquisses), il réagit vivement « Non non, il faut que ça parte, ça ne fait plus partie de moi. » De même pour la maison, en évoquant ce qu´il adviendra d´elle s´il décide de la quitter – hypothèse qu´il a évoquée à un moment de la conversation, il rechigne à se morfondre : je suis incapable à présent de me souvenir du sens exact de ses mots, s´il me répond que ce n´est pas grave, que c´est une période de sa vie révolue, qu´il ne s´inquiète pas de son sort, « elle est là, elle est faite, c´est du passé n´en parlons plus… ». Je n´entends pas, ne retiens pas les paroles, trop attentive à écouter les non-dits, ses soupirs. Dehors les figures laissent échapper un gémissement sourd…Il parle plus facilement des lieux des autres qui disparaissent après leur mort. Le regret est palpable alors que le concernant il affiche une indifférence feinte. « Je suis sur un autre lieu, et puis je m´occupe surtout à sculpter et peindre maintenant… » m´avait-il déjà averti au téléphone. « Pourquoi viens-tu remuer des choses du passé ? » me crie t´il sans émettre aucun son…Son œuvre, sublime, est un enfant qui lui colle aux basques. Nous parlons de la maison à plusieurs reprises et pourtant je réalise qu´il ne m´a pas encore invitée à la visiter. La cuisine s´est remplie de mots, de digressions et d´histoires de collectionneurs, de peintures et de clochers mais les figures se dérobent, contemplant, impassibles et silencieuses, un automne lumineux et doux. Elles ne me diront pas leur histoire. Il faudrait gratter patiemment les couches superposées de vernis pour voir apparaître une part de vérité. A-t-il élevé seul cet enfant ou d´autres mains ont-elles créé ces visages, ces corps, cette écorce ? J´attendrai tout le temps de notre rencontre cette confession. En vain.
Pourtant nous parlons. La parole de Dutel est spontanée et fluide, son regard est fuyant. Ses yeux se posent sur un horizon incertain derrière moi et obliquent le plus souvent vers une diagonale invisible vers le bas et l´intérieur de ses pensées. J´en profite pour le regarder, essayant de capter quelque chose au-delà de ce qu´il dit. Mais je ne lis rien d´autre que son insondable mystère. Ses sourires sont rares par leur fréquence et leur préciosité : ils arrivent sans prévenir et illuminent tout son visage d´un coup, une fulgurance innocente. Il me raconte encore les enfants entrés un jour sans permission dans son atelier et jouant avec ses pinceaux puis un de ses collectionneurs qui lui aurait demandé d´aménager un lieu chez lui, offre qu´il aurait déclinée : « il y aura toujours quelque chose qui ne plaira pas, même s´il me fait confiance ». Risque de décevoir ? Est-il possible de façonner l´espace quotidien d´un tiers ? Les « inspirés du bord des routes » habitent poétiquement leur univers et hantent rarement celui des autres.
J´ai le regard perdu entre les striures du ciel dehors et mes pensées quand soudain je saisis l´amorce d´un mouvement : Dutel me propose de le suivre et de descendre à la cave, là où commence le labyrinthe de l´imaginaire, le refuge des figures primitives. « Il ne fait même plus descendre les visiteurs » entends-je en écho dans ma tête, heureuse que mon hôte contredise de lui-même cette rumeur et m´offre ce privilège. Nous pénétrons dans la matrice de sa création, il y fait sombre et doux. À mesure que s´ouvre le chemin vers son œuvre, je sens que l´artiste, lui aussi, s´ouvre et se libère de démons intérieurs se chamaillant en lui. Lesquels ? Je suis fascinée par l´entrelacs de pierres, de bois, de tuiles couleur argile, de ciment, de tôle rouillée parsemant partout une beauté baroque, un long poème silencieux. Tout un univers bruisse ici, petites figurine côtoyant bols, assiettes, icônes, culs de bouteille, branches, briques, démons, madones dans une blancheur âpre et cotonneuse. J´entends des voix qui me chuchotent de sortir et de pénétrer dans la cour : lumière naturelle et éclats de faïence, fiancées, chimères, chats, gargouilles, oiseaux, ondines, poisson, poule, les moustaches de Brassens, l’air effarouché de plusieurs figures, des robes de tuiles, un prince sur un chien, des nains, des seins esseulés, une croix, des cœurs, tout un temple à l´amour…la fiancée incline tendrement la tête vers son amoureux. Où es-tu fiancée éternelle, partout présente ici ?
Plus bas, un petit bonhomme aux cheveux vert de pin et aux yeux cerclés de bleu fait coucou de la main. Il a une érection.  Plus haut, une oie ou un coq est prêt à s´élancer dans le vide sur sa drôle de bicyclette. Une femme-pilier aux lèvres rouges porte autour de la taille un lapin et des bricoles. Elle soutient la maison de ses mains comme les femmes africaines leur broque d´eau. D´autres amoureux, ou les mêmes, plus loin, s´embrassent. Au cœur de la cour, une scène originelle, Eve de dos tentée par le serpent qui lui tend la pomme. Le vent semble décoiffer l´arbre et Adam qui apparaît de face. Des figures les contemplent, interdites. Soudain Dutel surgit d´un coin de la cour et me tend des pétales de roses qu´il vient de cueillir et qu´il a émiettés dans sa paume pour que leur parfum s´exhale : « Il y en a encore à cette époque, l´été est long à mourir, sens comme elles sentent bon ! ». Je me penche et respire l’offrande poétique. J´ai l´impression que tous les visages autour s´inclinent avec moi pour sentir cette fragrance automnale. Tendre l´oreille vers leur père créateur qui se livre soudain en me voyant contempler des œuvres plus récentes qui seront exposées et peut-être vendues : « tu me demandais tout-à-l´heure si je gardais une trace de ce que je faisais. Non…non non je ne peux pas. Car si je les voyais là, accumulées, ça me donnerait le vertige car finalement c´est le temps, le temps qui passe, c´est la mort qui avance. » La voix se module dans des intensités blessées, des croches d´émotion, des nœuds inextricables. Puis, passionné, évoque le mouvement impulsif, viscéral qui guide ses mains les jours d´inspiration « c´est sidérant, ça part comme ça, on ne sait pas d´où ça vient et on oublie le temps, les heures ». Le temps, encore. Le temps de la mémoire, le temps qui fuit, le temps retenu, le temps enfoui, le temps que l’on fuit. « Qui était la fiancée, Dutel ? » lui demandent mes yeux tandis que tout se tait autour. Il ne me le dira pas. Peut-être parce que je sais. Parce qu´il sait que je sais. Je ne cherche aucune rumeur mais l´aveu d´une paternité partagée. Démêler un nœud, celui d´un passé qui s´expose et se tait.
Avant de le quitter, j´hésite et puis finalement…je ne le photographie pas. Je veux que sa figure me demeure multiple et insaisissable.
Puis une fois sur la route, laissant derrière moi Dieulefit, les figures et deux visages que je n´oublierai pas, j´entendrai cette phrase d’un riverain de Bordeaux évoquant un quartier maritime, portuaire et populaire, que la mairie avait décidé de remettre à neuf quitte à en chasser ces habitants inesthétiques : « On valorise la passé mais on oublie l´histoire ». Cet aveu eut un écho immédiat en moi à ce que je venais de voir, la part de mystère que je venais de percer, les fulgurances d´aveux que m´avait offert Dutel en filigrane, sa sensibilité révélée au-delà du silence de tous ses secrets. Le passé embaumé, le passé que je venais reluquer, faire reluire, valoriser par ma curiosité et mon admiration…et l´histoire de ce passé tue. L´enfance de l’œuvre gardée dans une vieille malle poussiéreuse et cadenassée où des parchemins sibyllins gravent les secrets de famille."

















LE LIEN VERS LA TISSEUSE PAR CHEMINS 

(cliquer sur le lien)


lundi 3 mars 2014

ROLAND DUTEL : L'INTERIEUR DE LA DEMEURE AUX FIGURES

Jean-Pierre Spilmont a écrit, en  1998,  un très beau texte où il évoque ROLAND DUTEL ...


Un homme a rejoint sa demeure
    Je ne saurais définir l’art. À dire vrai, cela m’importe peu. Parler de l’art c’est comme parler d’amour. On cherche ses mots. On jette alentour quelques phrases qui ne seront jamais qu’une approximation. Une image. Un fragment d’étoile dans le trou noir de la pensée, de la mémoire, du rêve ou de la vie.
    Parler d’amour, c’est dire : j’aime. Ou je t’aime. Ou je vous aime. Évidemment, cela ne suffit pas. Alors on se met en quête du plus grand nombre possible de parce que. On les distribue autour de soi comme autant de justifications. Il n’y a rien là de nouveau. Ni d’original. Aimer n’est pas original. C’est simplement essentiel. Ça permet de tenir sa partie en face de la mort qui montre son mufle.
    L’Art, c’est peut-être ça, parfois. Un énorme éclat de rire devant le mufle hideux de la mort. « C’est qui la mort ? …. C’est quand on aime plus rien ? » Voilà ce qu’a écrit un jour, un petit garçon de dix ans. Il avait même eu la pudeur de poser cela comme question.
    «  Nous nous abreuverons au jus bleu par-dessus bord et alors nous déciderons de combattre le monstre. » C’est Roland Dutel qui dit cela avec la même pudeur que l’enfant. Il l’inscrit. Il le sculpte en lettres et en mots à l’intérieur d’une toile. Il y a des mots-lumières. Comme les années. Il faut avoir beaucoup de patience et beaucoup d’amour pour les prononcer. Peut-être en faut-il pour les entendre.
    J’aime l’art de Roland Dutel. Pour moi, son univers ressemble à une maison. Une maison très ancienne. Une maison où l’on n’achetait ni les briques, ni les pierres, ni les chevrons. Une maison que l’on inventait au fur et à mesure des saisons.
    La demeure De Roland Dutel est une demeure singulière. Une demeure d’errance. Une demeure de passage. Une demeure pour accueillir les jours. Qui sait combien de temps il a cherché sa demeure ?
    Qu’importe. Elle est là, sacrée comme une icône. Barbare comme un arbre frappé par la foudre. Vivante comme un regard.








"Et là, les moindres recoins sont peuplés d'une foule d'êtres insolites, de créatures bizarres qui s'exhibent en toute innocence, qui se côtoient sans aucune gêne... Ici, il y a de la place pour tous...

Tous les matériaux peuvent lui servir de support... Il amasse les objets qui l'attirent, les dépose chez lui et, un jour,  l'un d'eux lui fait signe , l'agrippe et il ne peut s'en délivrer qu'en le transformant en œuvre d'art...Il ne sait quand il prend l'objet en main ce qu'il va en faire, en quoi il va le transformer...S'il le savait, ça ne l'intéresserait pas...Où est l'aventure si l'on sait où l'on va !

Né à Andrézieux, il vit et travaille depuis de longues années à Dieulefit...
Ses œuvres sont empreintes d'humour et de sacré et sont faites de matériaux divers :céramiques, bronze, papiers, linos, métaux...
Quand il voit que nous nous intéressons vraiment à ses trouvailles, il se met à parler, à nous raconter...et l'on prend à regretter de n'avoir qu'un temps mesuré car il pourrait nous parler des heures tant il est habité par tout ce qui foisonne en lui et qui ne demande qu'à jaillir














LE HANG- ART ET ROLAND DUTEL 

LE BLOG DE GAZOU

LES GRIGRIS DE SOPHIE ET ROLAND DUTEL 

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dimanche 2 mars 2014

ROLAND DUTEL : GROS PLANS SUR DES OEUVRES

Gros plans sur le travail de ROLAND DUTEL en extérieur et en intérieur ....
J'aime tout particulièrement ses Christ en céramique, surprise aussi de découvrir son étonnant  travail sur lino découpé et sculpté ...
Du beau travail !







Voici un texte de Jeanine Rivais  sur ROLAND DUTEL
( CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 67 DE JANVIER 2000 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA, A LA SUITE DU 4E FESTIVAL HORS-LES-NORMES DE PRAZ-SUR-ARLY.)


"Autodidacte, Roland Dutel a un jour senti la beauté instinctive de certains objets, usés par des mains insouciantes, ballottés par les vagues, patinés par les siècles... Et réalisé qu’avec ces choses disparates, il pouvait créer des assemblages esthétiques : il faisait désormais partie de la famille protéiforme des créateurs d’Art-Récup. Démarche à laquelle s’est ajoutée une vocation de peintre créant entre ces assemblages, des scènes narratives. Depuis, il a évolué en une œuvre très colorée, imprégnée à la fois de mysticisme et d’érotisme :
Mysticisme de la lumière, cernée de plombs et de remplages souvent peints, entre lesquels elle paraît jouer comme à travers les vitraux des églises, les jours de grand soleil. Mysticisme généré ici par un arbre qui, tel de celui de Jessé, semble jaillir d’un ventre, et lance jusque dans les nuages son feuillage compact et cruciforme, au sommet duquel se trouve une minuscule statuette ; là par des personnages aux silhouettes très primitives, aux têtes inclinées comme ceux des chapiteaux romans ; ailleurs, par la présence répétitive de petites niches qui, à l’instar des reliquaires, renferment des objets ou des têtes microscopiques. Mysticisme encore né de la récurrence des relations trinitaires de ses personnages, Roland Dutel semblant toujours camper face à ses couples, une troisième figure qui les regarde ; ce qui le ramène une fois encore inconsciemment vers les tableaux religieux du Moyen-âge, et l’entraîne vers un autre aspect de son œuvre : les tableaux conçus comme des pages d’enluminures longuement décorées ; où la lettrine serait un personnage au visage triangulaire, nez tordu, bouche de travers très maquillée, cheveux hirsutes et gros yeux globuleux, corps/châsse protégeant lui aussi de précieuses reliques composées de masques ou de petits êtres surlignés d’infimes bandes perlées ; tandis que les encadrements seraient constitués de têtes démesurément allongées, s’intercalant entre des individus qui exhibent pour toute couleur une étroite tache noire à la place du sexe... 

Car, contrepoint peut-être du caractère sacré que Roland Dutel n’accepte pas trop volontiers mais qui revient, obsessionnel et inconscient, la connotation érotique est évidente dans nombre de ses œuvres : Installés géographiquement comme les précédents, les protagonistes y sont alors tantôt réduits à de grosses têtes aux yeux gourmands dardant leur langue rouge en direction de l’entrejambe d’une femme en posture tellement gymnique qu’elle se retrouve avec un excédent de ses membres exagérément longs ; tantôt étalant sur leurs bas-côtés des jeunes filles nues, seins et sexes en bataille, derrière lesquelles se profilent des silhouettes masculines très stylisées...

 Ces thèmes graves, qui se croisent, se heurtent parfois ou se complètent dans de nombreuses créations hors-les-normes, et dans celles de l’artiste avec une belle fréquence, n’excluent pas l’humour chez Roland Dutel, comme dans cette composition qui pourrait s’intituler “La nef des drôles de nautoniers” : marins aux visages mangés de barbes, chiens léchant ces visages hispides, sirènes et poissons... s’y côtoient sous des mâts incrustés de microscopiques hippocampes et de croix potencées. Comme sur chacun de ces retables tellement personnalisés, l’ambivalence du “dire” du sculpteur est patente, à la fois voyage plaisant au pays de ses fantasmes et passage vers la désespérance de ses limbes privés présagés par de lourds aplats sombres.

 Enfin, émane de ces œuvres toutes bâties sur des symétries verticales, la poésie innée des gens qui ont le ciel pour ultime but, et l’oiseau omniprésent comme véhicule pour y parvenir ! L’oiseau, autre symbole cher à Roland Dutel, lien entre la terre et le ciel -encore !-générateur des rythmes et du mouvement qui animent ces cadres stricts ; et qui donne à son travail une liberté, une spontanéité et une grande fraîcheur...

Toutes qualités qui se retrouvent sur les murs de sa maison, à l’assaut desquels il est parti voici dix ans, un jour où l’impossibilité pour l’habitant d’y effectuer des travaux a libéré le peintre-sculpteur qui s’est peu à peu pris au jeu et a transformé des murs anonymes en fresques vivantes et colorées : céramiques et poteries récupérées, bétons intégrés... sont devenus cariatides tête-bêche, monstres-gargouilles, masques grimaçants ou hilares, gentils pierrots blottis sous le manteau d’une cheminée, amoureux tendrement enlacés, ou chat qui se mord la queue... 

 Ainsi, tour à tour bâtisseur de l’imaginaire réalisant des sculptures souvent monumentales ; et sculpteur de fantasmagories intimes, Roland Dutel est-il apparemment en perpétuelle mutation ! Pourtant, aucun hiatus entre ces deux créations : au contraire, chaque trouvaille de l’une l’emmène loin, encore plus loin sur le chemin de l’autre !"















Et ce texte de Marie-Claude Jariaste :

"D’abord catalogué parmi les artistes de l’« art brut », Roland Dutel ne renie pas ses débuts, mais aujourd’hui il s’en est éloigné par sa pratique et sa culture appropriée de cet art. « Je viens de là, les choses me sont tombées dessus comme ça ». Certes, en route, il a voulu changer de direction, mais ça revient. « Mon travail est moins brut qu’il y a 20 ans, mais -il le répète- il y a des choses qui reviennent de la même manière : représentation humaine, femme, couple, bestiaire... bien à moi, ce qui n’empêche pas que de nouveaux éléments voient le jour ».
 C’est un exercice à la fois ludique et anecdotique, que de vouloir rechercher les éléments disparates de récupération incrustées dans les œuvres de Roland Dutel, mais c’est aussi un critère d’estimation de l’œuvre, dans le sens où vils débris et vulgaires rebuts du départ (tessons, bois flottés, fers rouillés) sont comme anoblis, transcendés par le travail de l’artiste, tel le travail de l’alchimiste.

  Qu’est-ce que c’est ? Quand on lui demande, Roland Dutel esquive l'explication pour éviter ces sortes de réponses trop rationnelles qui ne laissent plus guère de place à l’appropriation des œuvres par chacun. Pour Dutel, l’œuvre faite prend une vie qui lui est propre, l’œuvre d’art n’est pas une vérité, chacun peut voir quelques chose de différent. Tandis qu'en même temps, l'artiste déclare, un « Je ne fais pas n’importe quoi ! » qui vient pallier à tous reproche éventuel.

 Avec ses sculptures modelées Dutel réussi un travail original, dans un milieu où toucher à la terre crue, la cuire et l’émailler reste une prérogative de savoir-faire qui s’apparente à la tradition, un métier, voir une petite industrie... On est à Dieulefit. Ceci dit on peut épiloguer sur la taille modeste et la présence presque marginale dans l’exposition de ces sculptures presque reléguées à l’office de bibelots derrière des vitrines. Modelés en terre, cuite et émaillée, les petits ou grands personnages de Dutel, informe, difforme, malléables évitent curieusement toute tentative de répétitions, chaque sculpture est intrinsèquement inédite, renouvelée à la fois poussée végétale de terre, affleurement et fleurissement de couleur.

 Né en 41, Roland Dutel a commencé à créer, il y a 35 ans, mais le véritable départ c’est fait en 1988, un tournant négocié à Dieulefit. Ironie du sort, alors qu'il veut tout arrêter, le déclic à lieu, soudain plus de pression, le regard des gens… Une porte s’était ouverte : le destin. « J’étais dans ce que je devais faire dans mon passage dans ce monde . Il n’y a jamais un jour où je me demande ce que je vais faire. Je vais à l’atelier et je fais ! Quitte, à amener les pièces, là, où il y a des difficultés, pour voir ce que seront les solutions »."





LE BLOG DE JEANINE RIVAIS 

LE BLOG DE MARIE-CLAUDE JARIASTE

ROLAND DUTEL ET LES GRIGRIS DE SOPHIE 

Et bientôt sur les GRIGRIS les cerfs et les sirènes de ROLAND DUTEL !