Cela fait des années que je croise son travail !
Voici aujourd'hui sur les Grigris HUGUES LEROY et un texte de SAMUEL BREUIL publiè dans Le Naaba ...
Retrouvez HUGUES sur facebook et régalez vous !
Hugues Leroy, AlchiMosaïste
Déambulation euphorisante
C’est une belle soirée de mai, avec un
vent juste frais comme il faut. Quartier des Beaux Arts de Montpellier,
la Maison Pour Tous « Frédéric chope un » bon nombre d’artistes qui sont
hors normes, singulièrement nôtres. La transe monte dans mon âme comme
l’escalier qui mène à la salle où sont exposés certains d’entre eux.
Chaque participant de ce festival m’invite au dialogue, de loin, à
travers les fulgurances que ses œuvres plantent dans mon regard.
Pendant la performance de Jaqueline
Chambon et son fantastique coupé de ruban inaugural, j’avais remarqué un
barbu costaud, longues dreadlocks blondes et visage paisible. Hugues Leroy.
Le Soleil Mosaïque mystique de Hugues Leroy.
A la fin de mon tour des exposants
autour du micocoulier, un arbre en tout points remarquable, je me laisse
attirer par les reflets au fond d’une antre un peu obscure. Le jour
tombe et cet artiste a oublié d’amener son éclairage. Qu’à cela ne
tienne, chacune de ses pièces brille de tous ses éclats : je suis arrivé
dans la hutte d’un mosaïste, celle de Hugues Leroy.
J’admire tout de suite ses créations me
concentrant sur les masques aux yeux très expressifs et littéralement
mis en avant, parfois globuleux. Ils sont arrangés comme autant de
planètes autour d’un soleil resplendissant. Juste à côté, un masque de
deux mètres de haut et orné de trois cornes de vachettes est des plus
impressionnants.
Sentant mon intérêt, l’artiste se rapproche : c’est le rasta tranquille dont j’ai parlé plus haut et il se nomme Hugues Leroy.
Dans notre dialogue, le « tu » s’installe d’office, fraternel comme le
« ugh » qu’échangeraient deux amérindiens ou le « hug » de deux
afroaméricains.
Hugues Leroy : Ethique et Baroque, Punk et Ethnique
Hugues Leroy est
psychologue à mi temps pour l’état belge. Il a travaillé dans les
prisons auparavant. A ses côtés, sa compagne Pascale, photographe éprise
de graffitis, avec qui il forme « un couple stable ». Leur fille Loris
leur a donné deux petits enfants. Ces informations m’ont été fournies
par Hugues Leroy lui même. Le fait qu’il ait jugé bon de me les donner reflète à mon sens la noblesse et la confiance tranquille de cet homme.
Hugues Leroy a
travaillé pendant dix ans sur les murs de sa maison. Il a également
fait de la salle de bain de sa fille un chef d’oeuvre admiré dans
plusieurs pays comme la Chine et la Turquie. Cela fait cinq ans qu’il
s’est mis à faire des « mozaïques transportables ».
Au cours d’une récente interview
télévisée, il a affirmé : « c’est déjà politiquement incorrect de
recycler », il se considère comme punk et brandit son art comme une
protection contre la société qui nous pousse à consommer toujours plus, à
travers la publicité et l’obsolescence programmée des objets.
La récupération est la base de son acte
créateur : dans les brocantes, les vides greniers, chez Emmaüs « à côté
de chez lui » ou encore à côté des poubelles, il paraît qu’il a accumulé
assez de matériel pour créer « pendant dix ans. »
Hugues Leroy m’explique
en détail la façon dont il a créé « le Bouclier ». Une tringle à rideau
de deux mètres, puis un ovale pointu tracé autour sur un panneau de
bois et découpé à la scie sauteuse. Une brosse de balayeur de rue lui a
fourni les crins. Puis des cornes, ôtées sans doute à des vachettes pour
éviter qu’elles se blessent entre elles. Fantastique bouclier
africain ! Les fragments, toujours de la vaisselle, du bois ou du métal
de récup’, dessinent un masque, un soleil. La géométrie contenue dans
cet objet, renforcée par des cercles de métal qui en marquent le
pourtour, son côté tribal et harmonieux font directement écho à mes
propres goûts esthétiques. Nous discutons de la symbolique du bouclier,
seul objet guerrier ayant pour fonction de préserver la vie…
Pour les beaux Toucans, symboles de la
forêt amazonienne, il les a façonnés sur des perroquets en bois. Un
autre masque est constitué d’une calebasse (l’Afrique encore) posée sur
un socle de cuivre finement ouvragé. « Mes influences principales, pour
te résumer, sont l’Ethnique et le Baroque. »
Une fois que cela m’est dit, tout son
travail gagne en lisibilité et en profondeur. Je lui livre mes
impressions : « tu fusionnes deux types d’art correspondant à des
époques, des lieux, des sociétés différentes voire diamétralement
opposées : le baroque européen et l’ethnique du monde non européen.
L’art « raffiné » des colons et l’art « primitif, brut » des
colonisés. » Je trouve que, dans un geste d’amour, il capte la beauté
inhérente à ces deux types d’expression et les fond dans une forme
nouvelle. Conçue avec une technique de puzzle, chaque œuvre mélange,
recrée, assemble des réalités, des choses du passé que nous contemplons à
présent et qui deviennent notre futur. Le recyclage est l’avenir de
l’humanité, non ?
L’Alchimie de l’Art de Hugues Leroy
Psychothérapeute, l’Art est sa méthode
personnelle pour se « réénergiser », pour regagner toute la force
consacrée à l’écoute de ses patients. Et encore une fois ses paroles
éveillent en moi des échos. Les gestes répétitifs de l’ « Art-Tisane
à », apaisants, comme une méditation, une sanation, je les pratique
également. Les mots sont encore plus parlants en espagnol : l’artisan se
dit « arte-sano », l’art sain.
Pourquoi le port des dreadlocks ? Est il
rastafari ? « Non, me dit-il, le punk est vraiment ma musique préférée,
le reggae n’arrive qu’en troisième position ». Il aime l’esthétique de
ce style capillaire, dont il a pourvu presque tous ses masques
d’ailleurs ! Ah, j’en aperçois un qui a des éponges en limaille de fer
tout autour du visage. Ce côté rock, à part les tatouages qui couvrent
ses bras, on le retrouve aussi dans les têtes de mort ou le masque
d’Iggy Pop figurant parmi ses œuvres.
Notre conversation pourait durer des
heures, tant Hugues est amical, posé et ouvert au dialogue mais il se
fait tard et on m’attend. Comme par magie, un exposant vient lui prêter
deux spots qu’il installe. Je lui demande alors de poser assis devant
son soleil, qui lui fait une auréole et à côté du bouclier. Ma photo est
prise, elle me semble immédiatement s’être chargée d’un symbolisme à la
fois clair et discret, comme si notre dialogue était passé dans un
complexe réseau alchimique avant le filtre de l’objectif.
Nous nous séparons en nous promettant de continuer nos échanges via les réseaux sociaux. Une connexion de plus qui me fait savourer
l’existence sur notre petite planète et me confirme le bien-être que
j’éprouve à voguer dans les galaxies de l’Art…
SAMUEL BREUIL
Né à Forcalquier en 1981. Interessé par le dessin depuis tout petit, par
la lecture et la nature. Une adolescence passée à écrire des poèmes et
des nouvelles puis le début des voyages : Espagne, Roumanie, Cameroun,
Guatémala. Des études de lettres et de FLE, pour enseigner le français à
l'étranger et vivre la passion de l'interculturalité. Presque 7 années
passées en République Dominicaine et aujourd'hui profeseur de français
dans un collège montpelliérain.
L'expression artistique par l'écriture, la peinture, la musique et
l'artisanat, en amateur, se combinent et se mêlent à ma vie
professionnelle.
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