(photo Google)
Un jardin spirituel et apaisant
"Créé par René Raoult en 1984, ce jardin représente une quête spirituelle : un temple totémique à ciel ouvert, constitué de 19 statues géantes en bois à la fonction magique, capter les forces cosmiques.
Plus loin, un sage au sexe géant regarde le Roi couronné qui garde son peuple de bois. Comme dans tout sanctuaire, le miracle est présent : le dernier rayon de soleil vient mourir sur le visage du totem Soleil. Le chœur de l'église est peuplé de 18 petits blocs de granite traités en lignes simplifiées. Ces pierres dressées sont gravées de dessins symbolisant les quatre éléments, la terre, le feu, l'air et l'eau. Plus loin, un champ de pierres percées qui rappellent l'art fabuleux des temps mégalithiques, c'est l'histoire d'une tribu qui adore la pierre percée. Le guérisseur se sert de la pierre pour y prendre de la force. Cette pierre est mystérieuse car par son trou, l'homme peut se glisser dans
l'autre monde...
René Raoult s'inscrit dans la grande lignée des Singuliers de l'art, dont l'ancêtre universel est le facteur Cheval."
Et pour accompagner mes photos aujourd'hui un texte de CLAUDE ARZ écrit en 2006 :
LE GUÉRISSEUR DES TOTEMS
" La
première fois que j'ai rencontré René Raoult, ce fut sur sa terre
bretonne en mars 1988 par un matin lumineux. Son adresse m'avait été
donnée par un passionné de chamanisme, je devrais dire glissée à
l'oreille, comme une confidence merveilleuse et rare. Je m'étais
donc retrouvé un matin de mars dans la campagne bretonne du côté
de Paimpol, parmi les landes et les genêts en fleurs. René Raoult,
un homme de la terre, m'attendait silencieux, l'oeil scrutateur. Une
force immense émanait de cet homme râblé aux longs cheveux blancs
tombant sur les épaules, comme une boule d'énergie pure qui aurait
cherché à sortir de son corps; son regard était de fougères et de
ronces, tour à tour doux et épineux. Marié, trois enfants,
guérisseur le jour, sculpteur de totems à partir du crépuscule.
Suivant en silence un chemin pavé, il me guida dans son Église à
ciel ouvert.
Il
y avait là, disposés en arc de cercle, dix-neuf totems hiératiques,
les visages anguleux, les bouches charnues, les corps torsadés,
comme un lointain écho des entrelacs celtiques. Assis sur l'herbe au
pied de ses totems, René Raoult me parla avec douceur du ciel et de
la terre, de l'enseignement initiatique d'un vieux sabotier, Tonton
Jean, et de sa maison spirituelle, son Église. Ni hasard ni artifice
dans ce lieu sacré, car l'esprit des anciens dieux s'était fait
matière dans les totems nés sous une pluie de pétales célestes.
L’oeuvre
plongeait ses racines dans les archives planétaires peuplées
d'adorateurs de la Lune et des étoiles, qui dansent, pour
l'éternité, autour de hautes statues hiératiques appelant les
dieux de l'Amour et de la Force...
L’aventure
de René Raoult avait commencé en juillet 1984. Un ami était venu
lui annoncer qu'un bel arbre venait d'être abattu dans le bois
voisin. Quand il arriva sur les lieux, il reconnut dans l'arbre
couché le Christ qui dormait. Il lui souriait. Ce fut un choc. Il le
ramena chez lui et sculpta pendant trois jours à la tronçonneuse le
fût écorché. Le 14 juillet 1984, il plantait en terre le totem
Christ haut de six mètres. Dans l'après-midi de ce même jour, une
voix intérieure l'invitait à construire une maison pour ce Christ.
« J’étais
en quête d'arbres, me
dit-il,
et j'ai découvert ceux qui allaient devenir les piliers du futur
Jardin ».
À partir de ce jour, le simple sculpteur René Raoult, porté par
une puissante force invisible, devint le bâtisseur inspiré du
Jardin de Pierre. Architecture insolite dans la campagne bretonne qui
effraiera les voisins inquiets de voir s'élever dans le ciel des
Côtes-d'Armor des «têtes
d'Indiens».
Tout
à la fois pilier du Jardin et arbre du Savoir, chaque statue-totem
porte le nom d'une divinité puisée dans la théurgie chrétienne
et païenne, et compose ainsi un mystérieux alphabet mystique: le
Christ, la Lune, les Sages, les Gardiens, la Mère, l'Univers, le
Père, le Soleil, le Diable Vaincu... Le faiseur de totems aurait-il
retrouvé la connaissance des arbres, l'ogham, le langage secret des
Celtes?
Les
visages des totems étaient graves. Certains étaient borgnes.
D'autres n'avaient qu'une oreille, souvenir de la surdité de
l'artiste. Leurs bouches étaient charnues, goulues. Ils méditaient
sur le monde et ses sanglots. Je reconnus dans le travail de René
Raoult cette inspiration celtique qui adore les lignes torturées et
les entrelacs, le jeu de l'ombre et de la lumière qui passe sur les
visages anguleux, façonnant des traits durs, burinés par les
embruns et le soleil bretons. Je sentais bien qu’outre leur valeur
artistique, ces sculptures avaient une fonction magique, capter les
forces cosmiques, dialoguer avec l’infini grand. Le Jardin de
Pierre devenait ainsi l’achèvement de la longue quête d'un
homme qui a vécu mille souffrances et a voulu confier au bois et au
granite les forces primitives qui l'habitent.
C’est
la haute silhouette du Christ qui m’accueillit, m’invitant à
pénétrer à l'intérieur du temple, chemin initiatique vers la
Lumière. Gardien de la dépouille du Diable Vaincu qui se roule à
ses pieds, René Raoult m’expliqua qu’il appelait les forces du
Soleil levant à venir éclairer la planète. À ses côtés, la
Lune, les yeux mi-clos, rêvait. Plus loin un Sage, les mains sur son
ventre orné d'un sexe géant, regardait le Roi Couronné qui gardait
son peuple de bois. Entre les deux, la Mère, hautaine, bénissait
les voyageurs de passage. L'Univers à la bouche pulpeuse saluait le
Soleil à l'oeil unique et perçant. René Raoult se rapprocha de moi
et me dit le doigt tendu vers le ciel : « Vous
savez, le dernier rayon de soleil, du mois de mai à la fin
septembre, vient mourir sur le visage du totem Soleil ».
Le choeur de l'église était peuplé de dix-huit petits blocs de
granite traités en ligne simplifiée: ce sont les Habitants qui
priaient, pétrifiés par le spectacle grandiose qu'offraient les
totems. Ces pierres dressées étaient gravées de dessins
symbolisant les quatre éléments, la terre, le feu, l'air et l'eau.
Des silhouettes d'oiseaux et de poissons, lune et soleil couraient
sur le granite, autant de signes qui rappellent le langage
pictographique des Celtes.
Sous
un pommier, les Pèlerins, douze blocs de granite venus ici méditer,
sommeillaient au soleil d'Armor. Une tortue de pierre veillait sur
eux. « C'est la Tentation biblique », me murmura à
l’oreille, le guérisseur. Pendant une journée entière, j'ai
écouté cet homme raconter l'histoire de son temple totémique,
nommer et décrire les hautes statues comme des aiguilles magiques
reliant la terre et les étoiles. Quand je lui ai demandé ce qui
l’inspirait, il a répondu sans hésitation et avec beaucoup
d’émotion: « C’est
le ciel qui m’inspire et le lointain enseignement d'un vieux
sabotier, Tonton Jean, qui m'a initié aux mystères de la nature. »
C’est
alors qu’on s’est assis au pied d’un bloc de rochers
et
qu’il s’est mis tranquillement à raconter l’aventure de sa
vie :
« Le soir après l'école, j'allais le voir. Je m'asseyais sur
un petit tabouret et je le regardais taper sur le bois. Il ne parlait
que breton. J'ai retenu une chose qu'il me répétait: « Touche
avec tes yeux et vois avec tes mains! » Je crois que c'est lui
qui m'a commandé ce Jardin qui est mon église. Vous savez, Je suis
un homme de la campagne. Mon père était chiffonnier et j'ai fait
tous les métiers: tueur de mouches, boulanger, apprenti boucher,
manoeuvre, concierge... J'ai aussi exposé au Salon des Indépendants,
mais tout cela est loin. Maintenant j'ai trouvé ma voie: je sculpte
l'univers à travers le bois et la pierre. »
Je
sentais une fraternité quasi charnelle entre René et ses totems
qui plongeaient leur regard dans l'épaisseur des bois environnants.
Tournant et retournant entre ses doigts une petite pierre percée, il
me dit :
«C'est le trou du monde. Les pierres racontent l'histoire des
hommes.»
Une
phrase d'un Indien sioux, Tatanka Ohitika, me revint en mémoire :
«Toute
ma vie, je suis resté fidèle aux pierres sacrées».
Une étonnante correspondance d'idées et de philosophie naturelle
entre ce Celte et l’Indien des hautes terres. À la nuit tombante,
autour d'un feu de brindilles, René Raoult m'expliqua alors, ému,
son désir de se relier aux forces cosmiques. La brume étouffait ses
paroles, estompant les hautes silhouettes des statues. Chaque homme a
besoin de trouver sa place, me disait-il, un lieu où il se trouvera
bien, un site sacré. Plus tard autour d’une bonne bouteille de
cidre fermier René Raoult m’avoua: « Je
suis insatisfait du monde dans lequel je vis. Ce qui est sûr, c'est
que les totems plantés dans la terre représentent pour moi le désir
de m'élever, de me relier aux forces cosmiques »
Pourtant,
je n’étais pas au bout de mes surprises avec René Raoult. Trois
ans plus tard, de l'autre côté d’une haie d’arbustes, il planta
un immense champ de pierres percées qui rappelle l'art fabuleux des
temps mégalithiques : c’est un sanctuaire dédié aux forces
primitives. La symbolique est très forte car, selon René Raoult, la
pierre percée est la gardienne du monde. C’est par elle que nous
naissons, que nous faisons l’amour, que nous mourons. Le trou
évoque le passage vers un autre monde. C’est surtout un sanctuaire
dédié aux forces élémentaires que René Raoult a commencé à
bâtir en 1992. Une symbolique très forte aussi. La pierre percée
est la gardienne du monde. Elle est mystérieuse car par son trou,
l'homme peut se glisser dans l'autre monde. Le trou évoque ainsi un
passage secret vers l'autre monde.
Dans
la campagne environnante, le sage de Pléhédel a semé d'autres
statues. À Kermarquer, ce sont trois totems sculptés dans un acacia
abattu par l'ouragan en 1987. Devant le bar «La Justice», c'est le
«Triomphe de la Vie», immense cyprès sculpté en compagnie de A.
Kito, corps à plusieurs têtes grotesques et malicieuses. Voyage
artistique dans un jardin de statues et de pierre, voyage initiatique
dans le ventre du Dragon? Avant tout un dépaysement, un
ressourcement et certainement une évocation, celle d'une Bretagne
sacrée, oubliée que René a lentement exhumé des ténèbres du
temps. "
RENÉ RAOULT ET LES GRIGRIS DE SOPHIE
(cliquer sur le lien)
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