Voici une belle découverte que je dois à mon fils Antoine ....
" Les peintres de chez nous - qu'on ne voie là aucune remarque péjorative - sont, depuis un siècle, des peintres du bonheur. De Manet à Braque en passant par Seurat, Monet, Matisse, Dufy, Bonnard, les plus incontestables de nos artistes se sont astreints à donner de la vie un réjoui : les corps épanouis de Renoir et intérieurs de Vuillard, tout concourt à l'image d'une félicité. Pour un Rouault - on chercherait en vain un autre peintre aux accents tragiques - que d'horizons riants, de bouquets agréables, de seins qui sautillent, de lèvres sensuelles ! Il faut, en revanche, se dire que loin de ce bonheur, les peintres venus ici d'autres pays ont préféré les sondages exacerbés, la poésie totale, les hardiesses de la pensée, le recours au subconscient : Picasso et sa rage. Soutine et son univers déliquescent. Kandinsky et ses rêves géométriques.Il n'est pas étonnant quand on découvre un jeune peintre aussi doué que Tiffou, de constater que tout naturellement il vient rejoindre ses ainés dans les limites de ce bonheur à la française, qui est non seulement affaire de choix, mais ambition de l'âme. A première vue, comme si Tiffou voulait illustrer les paroles de Baudelaire, tout semble luxe, calme et volupté en ses toiles : un luxe de soleil et d'évidences dans les visages ainsi que dans les objets familiers, un calme que peu de gestes peuvent déranger, une volupté qui ne crie jamais ses triomphes mais préfère une réserve pudique. Peu à peu cependant, on se convainc que ce bien-être explicite recèle des secrets, ou du moins des interrogations sans doute surmontées : jamais tout à fait surmontées. L'insistance du blanc - comme un voile de poussière ou une étoffe presque transparent par dessus les couleurs joyeuses - fait naitre des soupçons. Cette blancheur - oui, ce blanchiment et même ce blanchissage devenu soudain effréné - est plus qu'une habitude de peintre : c'est une philosophie des choses à montrer. On en déduit que c'est aussi une dimension morale : les paysages et les êtres auraient donc besoin de purification ? Il n'appartient pas à Tiffou de nous le proposer de façon précise : c'est une simple suggestion, mais qui crée en nous d'étranges prolongements. On en vient à examiner les toiles avec une attention plus appuyée. Ces répétitions d'un thème ou d'un visage, n'est-ce pas comme le regret ou le souvenir d'un ancien drame ? Ce réel, ne serait-il pas un réel dissimulé ?
Des hiérarchies tout à coup chavirent. On considérait cet essuie-mains comme un détail du décor ; mais le visage ou l'épaule en deviennent bientôt les victimes. On se demande au bout d'un moment de réflexion, si le corps dévore le décor, ou si le décor dévore le corps. Ce ne sont pas de vaines spéculations : Tiffou a l'art de glisser entre deux évidences comme un regard douloureux. Le monde que nous croyions si direct, si apte à goûter sa propre béatitude, se tend un miroir : plusieurs miroirs où il peut aussi bien s'admirer que se remettre en cause. Une formule constante y prédispose encore davantage : le pseudo-collage. Dans nombre d’œuvres, on s'imagine que les attitudes humaines sont comme coincées par des couches de papiers peints. De près, on découvre que c'est une illusion : ce que nous prenions pour un collage, est bel et bien la virtuosité d'un pinceau rieur : oui, moqueur et plein de ressources ironiques. Une fille dort - et si le cauchemar la guettait ? Un visage se promène à plusieurs exemplaires - et si c'était dans l'impossibilité de s'intégrer ? Des fruits vivent dans un tiroir - et si c'était pour mieux échapper à la pourriture ? Le bonheur de Tiffou reconnait le tremblement. Ce peintre hospitalier a des gravités profondes. On l'aime assez vite, peut-être aussi parce qu'il a des blessures invisibles à nous révéler."
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