Les Grigris de Sophie ce sont bien sûr des broches, des colliers et des sacs … mais c’est aussi un blog !

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Mais c’est aussi un blog ! Un blog dans lequel je parle de CEUX et de CE que j’aime …
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Vous trouverez ici des artistes, des lieux insolites, des recettes, des films, des expositions, des musiques, des spectacles, des photographies d’amis ….
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lundi 10 avril 2017

LAURENT DANCHIN VU PAR NICOLAS DANCHIN

 Voici le texte que prononça le frère de Laurent, lors de ses obsèques, le mardi 17 janvier ...

 
 par Jean-Luc Giraud

"C'est évidemment difficile, pour moi, de parler de mon grand-frère dans ces circonstances.
Laurent avait 7 ans de plus que moi. Une grande différence quand on est petit. Une différence énorme, quand on a régné pendant 7 ans comme petit dernier, chouchou de sa maman, et qu'on se voit tout d'un coup détrôné. Petit, je n'en avais absolument pas conscience, mais Laurent me l'a dit lui-même : il avait été très jaloux de moi au départ. Les deux souvenirs que j'ai de mauvais coups de sa part, sont bien dérisoires … mais je m'en souviens malgré tout. Le premier, quand il m'avait attiré au sous-sol de notre maison pour me faire une peur bleue, en surgissant d'un coup de derrière la grosse chaudière au rugissement effrayant  … C'est lui aussi, qui, à un retour de Paris dans la 403, sur une nationale 4 enneigée, m'avait fait comprendre avec un rien de cynisme d'adolescent, que le Père Noël n'existait pas. Tout un monde qui s'écroulait …
Ce dont je me souviens beaucoup mieux, en revanche, ce sont des histoires qu'il racontait. Comme il a continué de le faire beaucoup plus tard, quand il conduisait Clara à l'école, accompagnée du cochon noir Pistache. Dès cette époque, il aimait raconter, et il aimait aussi faire rire et il adorait la crédulité du petit enfant que j'étais. Il a toujours aimé l'innocence des enfants. Par exemple, la manière dont il s'y était pris serait trop longue à expliquer ici, mais il avait vraiment réussi à me faire croire qu'il était passé de la cuisine à la salle de bain en passant par les canalisations.
Ensuite, il y a eu toute la période des "moralités", qu'il nous inventait, il y en avait de nouvelles toutes les semaines. Je dis nous, parce que rapidement il y avait eu après moi mon frère Sébastien et que c'est généralement à nous deux que Laurent s'adressait. Il a dû commencer à faire cela à la fin du Lycée, mais il a continué ensuite pendant un moment, quand il revenait à Nancy depuis l'Ecole Normale. Les "moralités" ce sont de micro-histoires pour lesquelles il faut trouver la conclusion en un mot ou une expression, la moralité de l'histoire. Je vais juste vous donner un exemple de cet exercice, hautement intellectuel : le petit Alexandre Coin a un ami très proche, le petit Jacques ; c'est vraiment son meilleur copain, mais il y a un problème, le petit Jacques est profondément
stupide, un vrai crétin. Moralité : "Con, pote de Coin". Copyright Laurent Danchin.
Plus tard, il y a eu l'époque de Fontaine le Port. Deux souvenirs là encore.
D'abord, de ma première visite dans l'extraordinaire village d'Art préludien et de ma rencontre avec Chomo, dont j'ai pu facilement comprendre que la personnalité ait marqué de façon définitive celle de Laurent.
Le second, d'un voyage à St Mandrier, près de Toulon, pour aller dans la maison de notre Grand-Père Abon. Laurent m'avait invité à venir avec lui et sa bande d'amis, pour quelques jours de vacances. J'étais ravi de cette reconnaissance. Il avait alors une Méhari ; sans doute beaucoup ne se souviennent pas de ce qu'était une Méhari. Imaginez un moteur de 2 CV faisant péniblement avancer, sans jamais dépasser 80 Km/h, une carrosserie totalement ouverte et en plastique rainuré beige sable. Après une halte à St Etienne, nous sommes finalement arrivés à St Mandrier vers 2 heures du matin, totalement assourdis par les 12 heures de route. J'étais à l'arrière et n'avais pas pu entendre grand-chose, mais Laurent avait parlé pendant tout le trajet. C'était le début de vacances formidables, avec ce grand frère fascinant.
Il faut dire évidemment que Laurent était bavard. Il ne fallait pas aller le voir pour juste 5 minutes, et il fallait éviter de trop l'interrompre ; il n'aimait pas ça. Mais quand on acceptait cette règle du jeu, c'était un conteur hors pair, absolument passionnant, qu'on pouvait écouter pendant des heures sans se lasser. Il donnait vie à ce qu'il racontait et savait de manière exceptionnelle rendre accessible les choses les plus érudites. A l'oral, du moins … Un de ses paradoxes a été qu'il a longtemps cherché à être reconnu par l'écrit : sans doute une séquelle de son éducation classique et de l'Ecole Normale. Or il était fait pour l'oral ; ses premiers textes, ont souvent été pour moi franchement rébarbatifs, mais il considérait que la reconnaissance des autres devait passer par là. Il a mis longtemps à accepter l'idée qu'il pouvait en être autrement ; et dès qu'il s'est mis à écrire comme il parlait, tout est devenu fluide, limpide. Il n'y a qu'à lire ces derniers textes des Bonbons Mycélium. 
S'il y a une chose dont on puisse se réjouir, en tout cas, c'est qu'internet et YouTube aient existé ces dernières années. Grâce à cela, on va pouvoir le revoir et le ré-entendre, plus encore que le ré-écouter. Car il avait tant de choses intéressantes à dire. Par exemple, et vous ne serez pas étonnés que ce soit moi qui vous y invite, allez voir son interview sur la médecine industrielle ; elle pointe du doigt avec une lucidité incroyable, avec une colère contenue, mais aussi beaucoup d'indulgence, les dérives de notre système de santé.
Et je voudrais terminer par deux traits de la personnalité de Laurent qui me paraissent fondamentaux.
La curiosité et l'intérêt pour l'autre : derrière son intérêt pour l'Art, derrière son intérêt pour les questions intellectuelles, Laurent voyait toujours les personnes ; des enfants aux vieillards, de l'homme de la rue au puissant. Même pendant qu'il parlait, il savait observer et il essayait de comprendre le chemin qui avait conduit ses interlocuteurs jusqu'à se trouver là, en face de lui. Derrière l'Art, il voyait aussi (peut-être surtout), l'artiste. Avec ce souci de l'autre, allait sa gentillesse ; il était presque toujours bienveillant, et ne perdait pas son énergie à cultiver la rancune ou la rancœur.
L'enthousiasme et la générosité : Laurent avait un extrême détachement matériel. D'autres que lui auraient certainement cherché à tirer profit du niveau d'expertise unique qui était le sien. Mais c'était le cadet de ses soucis. De même, il avait tant d'enthousiasme qu'il préférait distribuer ses idées, pour que d'autres puissent les utiliser, les répandre et les faire progresser.  Il n'était pas aveugle pour autant, il assumait le risque inhérent à sa générosité ; ses découvertes, ses théories, ses idées, il savait que certains pourraient s'en emparer, sans même citer leurs sources, et les présenter comme les leurs. Ca l'énervait bien quand même, mais il avait décidé une fois pour toutes d'ignorer la paranoïa de si nombreux intellectuels ou scientifiques (pas forcément les plus grands !), qui préfèrent verrouiller leurs idées plutôt que les faire partager.
Ce sont sans doute son détachement du matériel et son avidité pour les questions intellectuelles et la connaissance de l'Autre qui lui ont permis d'affronter cette maladie, qu'il savait mortelle, avec une telle sérénité. Cette maladie, paradoxalement, a permis des retrouvailles, notamment au sein de notre famille, une grande famille, avec des personnalités fortes, bien différentes les unes des autres ; il s'en réjouissait beaucoup. Même pour moi, j'ai sûrement plus vu Laurent au cours des 18 derniers mois qu'au cours des 10 années précédentes. Dans ce sens, sa maladie a été une opportunité, et c'est bien comme cela qu'il l'a vécue. 
Laurent avait une personnalité exceptionnelle, c'était un être exceptionnel. Il nous laisse deux filles magnifiques, dans tous les sens du terme. Et, dans le fond, Laurent n'est pas mort : aucun d'entre nous ici présents ne l'oubliera, il continuera de nous accompagner, et je suis sûr que bien d'autres sauront le découvrir."

LAURENT DANCHIN ET LES GRIGRIS DE SOPHIE



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1 commentaire:

FRANKIE PAIN a dit…

merci de ce bel hommage belle journée