" Revenu de tout il crée en survivant. Il a surmonté « la tempérance des évidences physiques ». Voilà plusieurs décennies qu’il fait commerce intime d’images peintes ou repeintes à l’encre photo qui toutes nous dérangent toujours au plus vrai de nos lâchetés, de nos compromis, de leurs petits arrangements. Celles et ceux qu’il peint ont côtoyé les sales proximités des « grandes noces », ont surmonté les radiations écorchées des « Controverses anatomiques » médicalisées. Chacun, chacune a expérimenté dans sa survie de tous les jours « les hypothèses de la guerre » qui comme on le sait est devenu mondialement civile.
Dans son œuvre mixte comme dans ses
peintures il n’est aucun corps qui ne soit indemne en dépit de la force
de sa maturité ou grâce au précaire équilibre de sa jeunesse. Pour
l’ensemble il n’est pas de génération intermédiaire, si ce n’est quand
la dramaturgie instiguée par le titre nécessite des figurants, danseuse,
funambule ou figure d’une mythologie réappropriée. Aux temps
vernaculaires des clichés de famille contrariés chaque visage, chaque
corps des adultes prédateurs ou des enfants menacés était scarifié
d’écrits. Pour le nouveau cycle des toiles récentes, ces sept chapitres
dits abusivement « scènes la vie ordinaire », ce sont les couleurs
acidulées qui oblitèrent les gestes et les rapports falsifiés qu’ils
tentent maladroitement de masquer.
Ces couleurs vives bien que gaies semblent salies par
l’outre présence des figures désarticulées, comme désorientées par leur
difficulté à se situer dans l’espace de la toile. Beaucoup sont
défigurées, émaciées de couleurs.
La violence distend les membres, menaces physiques, agressions et viols
font le quotidien de ces toiles inspirées d’images d’une actualité
toujours hors du simple quotidien. Des chiens couchants participent en
bassesses empathiques.
Les seuls témoins à charge sont des plantes
d’appartement qui se désengagent en amorçant des dialogues futiles avec
les motifs des robes se voulant pimpantes, apparemment rien de commun
avec les sanglants bouquets noir et blanc des « Noces d’opale ».
Toujours les mains adultes sont en saisine sur les
figures d’enfance, elles agrippent aussi le souvenir photos de groupes
familiaux des cérémonies maritales, études justement intitulées « Les
attentats à la pudeur. »
Quand il y a amorce de visage il se façonne en aplats clairs à moins
qu’il ne se hurle en masque moins clown que pantin, dont les anatomies
pendent à des mains dont ils semblent chercher quelque échappatoire.
Des bacchanales s’organisent comme en toute innocence –« fichue(s)
perspective(s) »- que tentent de contrarier ces mains qui s’ouvrent
en pieuvres du refus.
Le carré des toiles, comme celui du moyen format
photographique accentue la clôture des situations qu’elle dramatise, le
huis clos sauvage se bâtit sur l’inégalité des tailles, les échelles
variées des silhouettes s’appuient sur la hiérarchie des dominations. En
cela il fraternise avec Marlene Dumas, quand elle avoue dans Miss Interpretated
1992 :
« Je n’ai aucune idée de la taille d’une tête moyenne. (Je n’ai aucune
idée de la grosseur de quoi que ce soit !) L’anatomie ne m’a jamais
intéressée. Pour moi, comme pour les enfants, la grosseur des choses
dépend de l’importance qu’on leur accorde. »
Il y a du cirque dans ses suspensions de gestes
entravés, une danse pré -macabre qui fait que ses desseins paraissent
vite aussi troubles que ceux avoués par la même artiste
« Intentions
Des femmes m’ont accusé de malmener les bébés. On a dit que je
maltraitais les adultes mais qu’eux, au moins, pouvaient se défendre. Et
que même si les bébés étaient tels que je les représente, on ne voulait
pas les voir ainsi. On m’a accusé ensuite de dire la vérité puis de
m’en excuser. Il faut dire que j’étais très fatiguée. »
Marlène Dumas Miss Interpretated 1992
La titraille de chaque ensemble comme de chaque opus
singulier ouvre une théâtralité qu’il revendique en héritage d’Artaud.
Un humour moins noir que vraiment désespéré relie chaque œuvre comme
autant de scènes successives d’un drame inséparable de l’humaine
condition. A chacun d’entre nous de renouer le dialogue interrompu de la
« conversation faite à un enfant mort », celui que nous avions si
intimement incarné. Le grand œuvre de Vincent Cordebard nous y invite
sans le faux semblant de quelque maudite espérance."
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