Voici une interview très documentée réalisée par Isabelle BARÈGES dans " Couleur Lauragais"
Hubert Bastouil : bricoleur de l'imaginaire
" A Saint-Martin Lalande, il est un jardin inconnu où nous avons tous laissé une part d’enfance et de rêves. A sa tête : Hubert Bastouil, un personnage facétieux à la fois gardien de zoo, directeur de cirque et dresseur de dauphins. Sa propriété est gardée par d’énormes lions, pas méchants pour deux sous et accueille des animaux venus des quatre coins du monde. Pingouins, crocodiles, girafes, rhinocéros, panthères sont autant d’invités pour le moins inhabituels en terre lauragaise. L’endroit est tout simplement inclassable, à l’image des créations de ciment qui le peuplent, dont certaines mesurent jusqu’à 6 mètres de hauteur. Artisan doué ou génial inventeur, Hubert Bastouil nous ouvre les portes de son jardin extraordinaire et, dans le même temps, celles de notre imaginaire…
Une enfance saint-martinoise
Hubert Bastouil est né dans les années 30 dans une ferme de Saint-Martin Lalande. A 14 ans, il commence à travailler avec ses parents et reprend l’exploitation qui vit de polyculture. Sur ses quelques terres, il cultive des céréales, des haricots ou encore des betteraves mais la ferme ne lui fournit pas suffisamment de revenus pour vivre, c’est alors qu’il décide de prendre un travail à l’extérieur. A 27 ans, il fait ses débuts chez un menuisier d’abord comme chauffeur-livreur.
La passion des machines...
Après une courte période, il est affecté « aux machines » qui nécessitent des bras toujours plus nombreux. Entouré de ses collègues, il procède à la fabrication de portes-fenêtres. Pendant ses pauses, Hubert s’adonne à sa nouvelle marotte : améliorer la productivité des machines. Il conçoit, optimise, adapte ses outils de travail pour permettre un meilleur rendement. Sans formation initiale, de manière totalement instinctive, l’ouvrier développe une intelligence manuelle peu commune.
"Pour
le ferrage des portes, il nous fallait plus de 15 minutes pour réaliser
trois entailles, en modifiant notre outil de travail, j’ai réussi à
réduire cette durée à 24 secondes, pas une de plus !" se rappelle-
t-il. Dans ces conditions, on comprend bien pourquoi Hubert devient
rapidement indispensable à son patron qui décide de lui accorder le
statut d’ouvrier “hautement qualifié”.
...et de la ferronnerie
Les demandes affluent et bientôt Hubert va y voir l’opportunité de s’installer à son compte en tant qu’ouvrier indépendant. Il investit son garage qu’il convertit en atelier. C’est là qu’à partir de 40 ans, il va passer au minimum 15 heures par jour à tel point qu’il décide d’abandonner le travail de la terre et de mettre ses parcelles en fermage pour se consacrer à son activité de métallier. Toujours spécialisé dans les fenêtres, il fabrique des pentures et des espagnolettes. Il utilise près de 10 tonnes de fer par mois. Il transforme une ma-chine qui lui permet de fabriquer 600 pentures à l’heure, en une seule opération ce qui lui vaut l’admiration de certains fabricants qui commercialisent quant à eux des équipements nécessitant deux séries d’opérations et donc plus de temps. Ferronnier jusqu’au bout des ongles, Hubert va s’attaquer à tous les types d’ouvrages : grilles de balcon, porte blindée... et continuer à vivre cette passion selon le rythme effréné que connaissent bien tous les artisans. Un problème de santé va cependant le contraindre à arrêter son activité plus tôt que prévu mais l’atelier reste en mouvement : c’est son épouse Georgette qui va le remplacer jusqu’à l’âge de la retraite. Meulage, soudage, perçage, fraisage, Georgette va assurer tous les postes de fabrication et pour le soudage, Hubert l’affirme : “Elle n’a pas sa pareille !”.
De ferronnier à gardien de zoo - On aura vite compris qu’Hubert Bastouil est un homme d’action que l’idée de profiter de la retraite en profitant d’un repos qu’il a bien mérité ne le fait pas rêver. Au-delà de ce besoin d’activité, il est animé par un impérieux besoin de création dont il ne semble pas forcément être conscient. Comme c’est souvent le cas dans ce genre de parcours, c’est un heureux hasard qui va lui donner l’opportunité de se réaliser à travers son étrange production et c’est une femme qui en est à l’origine : la sienne ! Un jour, son épouse lui demande de trouver une grosse pierre pour ornementer le jardin. Hubert part à sa recherche mais n’en trouve aucune dont les dimensions satisfassent son épouse. Vaille que vaille, puis-qu’elle n’existe pas dans la campagne lauragaise, pourquoi donc ne pas la lui fabriquer ? Hubert reprend le chemin de l’atelier et se lance dans un projet d’ouvrage en ciment. Au plan technique, les dé-buts sont difficiles, il tâtonne sans jamais trouver la méthode qui pourrait donner à l’objet sa stabilité. Il faudra qu’il quitte son pays pour trouver un début de solution. Lors d’un voyage à Paris, son groupe fait halte au bois de Vincennes. Au gré d’une promenade, Hubert trouve un rocher abîmé qui va lui livrer tous les secrets de la fabrication des ouvrages en ciment. Il utilisera désormais un grillage qui donnera la forme à son modèle. Dans sa lancée, il s’engage dans la fabrication d’un second rocher, encore plus grand, puis, soucieux de ne pas transformer son parc en carrière, il décide d’aller trouver son inspiration ailleurs. Serait-ce le souvenir du Zoo de Vincennes ? Hubert parcourt “La vie privée des animaux”, un livre oublié par ses enfants ou petits-enfants et qui va bientôt trouver une seconde jeunesse entre les mains du retraité. Impressionné par les fauves et leur imposante stature, il peuple son parc, mois après mois, année après année, d’animaux plus vrais que natures.
Les étapes de fabrication
Etape n°1 : Trouver le bon modèle
En dépit de ses nombreuses réalisations, Hubert continue de croire que certains animaux peuvent lui résister. Ainsi, il opte pour des modèles qu’il juge réalisables, de préférence pour de gros animaux afin de ne pas trop compliquer sa tâche de modelage.
Etape n°2 : Modeler l’animal
Après avoir balayé le sol de l’atelier, il y dessine le modèle à la craie, le met en position debout puis affine certains détails. Avec le grillage, il donne le volume à l’ouvrage et prend garde à ce qu’il soit le plus tendu possible pour que la forme ne bouge pas.
Etape n°3 : Appliquer le ciment
Pour plus de stabilité, il mélange le ciment à de la fibre à béton. La difficulté est de bien doser le mélange afin qu’il ne soit ni trop liquide, ni trop dense. Il convient ensuite d’étaler le ciment sur le grillage par fine couche de quelques millimètres seulement. L’opération est très délicate et demande beaucoup d’adresse et de patience.
Etape n°4 : Laisser sécher et procéder aux finitions
Le ciment sèche relativement vite. Pour parfaire l’ouvrage, Hubert ajoute une nouvelle couche de ciment à la main pour dessiner un muscle par exemple. Il donne son regard à l’animal à l’aide de gros boulards d’enfants.
Etape n°5 : Peindre l’ouvrage
Pour donner sa « forme animale » à la statue, il ne reste plus qu’à lui conférer sa couleur naturelle. Là-dessus, Hubert est très pointilleux et tient à rester le plus fidèle possible à son modèle.
Etape n°6 : Mettre en place la statue
Pour replacer l’animal dans son environnement naturel, soit il crée des fondations qui vont permettre de sceller l’ouvrage au sol, soit il anticipe en cours de fabrication et déjà transporte l’animal à son emplacement définitif. C’est le cas des animaux les plus lourds qui peuvent peser jusqu’à 800 kg.
Crédit photos : I. Barèges
L’artisanat en questions
Pour vous l’artisanat est-il un métier noble ?
H.Bastouil : « Oui, au même titre que l’agriculture c’est indéniablement un métier d’une grande noblesse. Pour ma part, j’ai préféré ma vie de ferronnier à celle d’agriculteur, j’y ai pris plus de plaisir, j’avais certainement plus de prédispositions pour cela. Et puis, être artisan, c’est créer quelque chose. Il faut que cela soit forcément au goût du client, il y a une obligation de résultat, on ne peut pas décevoir. »
En quoi les méthodes ont-elles changé ?
H.Bastouil : « Nous sommes passés à l’ère technologique, les professionnels sont aujourd’hui plus équipés que nous ne l’étions. Il faut être toujours plus rapide, toujours plus performant même si c’était déjà un impératif il y a 40 ans, les choses évoluent aujourd’hui beaucoup plus vite. Et puis dans le domaine qui était le mien, on travaille aujourd’hui avec de nouveaux matériaux tels que le PVC ou l’aluminium. C’est indispensable de garder un œil sur les dernières innovations et une réelle curiosité pour son métier. »
C’est quoi pour vous un bon artisan ?
H.Bastouil : « C’est celui qui va réussir à satisfaire son client en lui offrant les meilleures garanties en termes de solidité et de sécurité. Il faut aussi qu’il ait l’amour de son métier, ça c’est la base. »
H.Bastouil : « Oui, au même titre que l’agriculture c’est indéniablement un métier d’une grande noblesse. Pour ma part, j’ai préféré ma vie de ferronnier à celle d’agriculteur, j’y ai pris plus de plaisir, j’avais certainement plus de prédispositions pour cela. Et puis, être artisan, c’est créer quelque chose. Il faut que cela soit forcément au goût du client, il y a une obligation de résultat, on ne peut pas décevoir. »
En quoi les méthodes ont-elles changé ?
H.Bastouil : « Nous sommes passés à l’ère technologique, les professionnels sont aujourd’hui plus équipés que nous ne l’étions. Il faut être toujours plus rapide, toujours plus performant même si c’était déjà un impératif il y a 40 ans, les choses évoluent aujourd’hui beaucoup plus vite. Et puis dans le domaine qui était le mien, on travaille aujourd’hui avec de nouveaux matériaux tels que le PVC ou l’aluminium. C’est indispensable de garder un œil sur les dernières innovations et une réelle curiosité pour son métier. »
C’est quoi pour vous un bon artisan ?
H.Bastouil : « C’est celui qui va réussir à satisfaire son client en lui offrant les meilleures garanties en termes de solidité et de sécurité. Il faut aussi qu’il ait l’amour de son métier, ça c’est la base. »
Bassens : une prouesse technique pour faire revivre un lieu saint
Le sanctuaire champêtre de
Notre-Dame de Bassens est situé à 2 kilomètres au nord de St Martin
Lalande et à 5 kilomètres de Castelnaudary. Il date du 12ème
siècle et était un important lieu de pèlerinage dans le Lauragais. En
2001, l’abbé Olivier Escaffit de Saint-Martin Lalande rend visite à
Hubert Bastouil et s’enquiert de la provenance de l’imposant rocher qui
orne son parc. Hubert lui indique qu’il s’agit d’une « fabrication
maison » et constate que cela rend l’abbé songeur. Il indique à Hubert
que ce serait formidable de pouvoir créer une réplique de la Grotte de
Lourdes à l’endroit du sanctuaire. Avec quelques amis, Hubert se met à
l’ouvrage et utilise sa technique habituelle à base de grillage et de
ciment. En 3 ans, grâce à l’implication d’une équipe de 10 bénévoles et à
la générosité des donateurs, la grotte est reconstituée à l’identique.
Chaque année, le Lundi de Pentecôte, près de 500 pèlerins se rendent à
nouveau sur le lieu saint.
Chiffres-clés
Pour réaliser ses animaux extraordinaires,
Hubert Bastouil utilise en moyenne :
10 sacs de ciment
5 à 10 mètres de rondins de 10 mm
2 rouleaux de grillage de 50 mètres
Il a réalisé à ce jour plus de 50 monuments.
Hubert Bastouil utilise en moyenne :
10 sacs de ciment
5 à 10 mètres de rondins de 10 mm
2 rouleaux de grillage de 50 mètres
Il a réalisé à ce jour plus de 50 monuments.
Visiter le parc d’Hubert Bastouil
Hubert Bastouil et son épouse ouvrent volontiers le parc de leur propriété aux visiteurs et aux curieux. Il n’est pas rare que les élèves d’écoles primaires alentours se lancent dans la découverte de cet endroit un peu à part. Les aînés aussi aiment à s’y promener, il semblerait donc que la magie opère de 7 à 77 ans. Pour demander des informations ou visiter le parc de M et Mme Bastouil, merci de les contacter au 04 68 94 90 09, une visite sera organisée selon leurs disponibilités.
A
l’image du Facteur Cheval, Hubert Bastouil nous invite à partager son
univers à travers un espace de création incongru et unique. Peut-être
sera-t-il, tout comme le créateur du Palais Idéal, un jour reconnu en
tant qu’artiste ? En attendant, il est bon de trouver au détour d’une
petite route de la campagne Lauragaise des endroits hors du temps qui,
modestement et sans le vouloir, donnent un peu de poésie à notre époque."
* LE TEXTE DANS COULEUR LAURAGAIS N° 123 JUIN 2010
Hubert Bastouil a peint différents tableaux que l'on peut voir dans sa maison ..
HUBERT BASTOUIL ET LES GRIGRIS DE SOPHIE
(cliquer sur le lien)
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