Les Divinités païennes
Au milieu d'une prairie,
quinze sculptures métalliques bravent la pluie, le soleil et le
vent. Elles sont noires, aériennes, sauvages. Leurs mains sont des
griffes d'acier, leurs visages de terribles mufles de métal déchiré.
Leurs corps éclatés se terminent en queue de reptile. Des Golems
échappés d'une légende juive, des titans déchus, des démons?
"Des idoles que je dresse vers le ciel", explique leur
créateur, Robert Le Lagadec, un Breton de soixante-cinq ans à la
longue tignasse blanche. "J'invente un culte artistique dédié
aux forces primitives. Je veux laisser une trace de métal derrière
moi."
Son
père était porcher, sa mère basse-courrière et lui,
poète-forgeron, plantera un beau matin son atelier à la lisière
d'un petit bois de l'Essonne. Des tas de ferraille à même le sol,
des outils rudimentaires, une masse, une pince à couper la queue des
chevaux, une lampe à souder et un marteau...
Il raconte: «En me promenant
un jour dans les bois, j'ai vu une souche et, plus loin, un bout de
ferraille. J'ai soudé la souche sur le bout de ferraille... Alors
j'ai changé de dimension.» La genèse de chaque divinité obéit à
une liturgie précise, personnelle, énigmatique... Au matin, à
peine levé, le combat contre la tôle commence. L'ermite sculpteur
surgi de sa cabane redresse à grands coups de masse les vieilles
tôles rouillées, humides de rosée qu'il a récupérées dans les
casses du coin. Ca grince. Ca gémit. Le maître des tôles aplanit,
affine les pièces au marteau sur son enclume, son tas comme il dit,
donnant des volumes aux statues. Il tord, torture, triture la
ferraille, façonne, trace à la craie des lignes blanches pour fixer
les contours des formes: un bec, une corne, une chevelure, un sein.
Avec précision, il assemble de bas en haut les morceaux de tôle
sculptée qu'il soude à froid, enfreignant ainsi toutes les lois du
matériau noble. L'incantation métallique s'achève par le
vernissage des statues au Rustol.
Lui, l'immigré breton,
l'ancien commando, l'anarchiste, prend sa revanche d'artiste
populaire, imprimant sa souffrance dans le métal, le fer qu'il fait
plier selon sa fantaisie, à grands coups de marteau dans le silence
de son champ de barbare. Toute la journée, tous les jours de
l'année, Robert Le Lagadec pétrit avec allégresse des morceaux de
cuves à mazout, des portes de chaudière, donnant ainsi une nouvelle
vie aux anciens dieux celtes qui sommeillent dans sa mémoire
lointaine. Robert frôle avec volupté les statues qui dressent leur
cou métallique vers le ciel et murmure: «l'homme n'est pas encore
né. Je montre sa douloureuse naissance. C'est ma façon magique de
concevoir la sculpture...»
Une statue monumentale domine
le champ: «Clameur». Elle transpire de douleur et d'effroi. Son
sexe est dressé, le visage déchiqueté. Les bras sont écartés
dans une prière silencieuse, secrète, inquiétante. C'est l'homme
inachevé, l'homme qui n'est pas encore sorti de sa condition
animale, qui crie au milieu des herbes et des fleurs: «Aidez-moi à
naître». A sa gauche, l'«Albatros» qui n'arrive pas à s'envoler,
cloué au sol. L'oiseau des mers se révolte: il a le poing tendu
dans un signe de vengeance contre tous ceux qui l'ont persécuté à
travers les siècles. A sa droite, un couple mi-homme, mi-bête
s'affronte dans une danse frénétique. La femme menace l'homme qui
demande pitié et ouvre ses bras en croix. Amour primitif, amour de
fer. Parmi les pommiers, un «Prométhée» à tête de serpent,
assis sur un rocher, protège le feu sacré qu'il a volé et un peu
partout, comme jetés dans les feuillages, des filaments de ferraille
sculptée, masques de métal, boucliers de guerriers, visages de
déesses celtiques et d'hommes prostrés. L'univers de Robert Le
Lagadec est celui d'un chercheur d'absolu: dur, tragique, cosmique.
Claude Arz
Et quelques photos envoyées par le fils de Robert Le Lagadec, Dominique ...
Et quelques photos envoyées par le fils de Robert Le Lagadec, Dominique ...
LE SITE DE CLAUDE ARZ
LE SITE DE JEANINE RIVAIS
LES GRIGRIS DE SOPHIE ET ROBERT LE LAGADEC
LE SITE DE MEGAFER
( cliquer sur les liens)
Mégafer - Les Divinités païennes :
20, rue du Bon-Puits, 91640 Fontenay - les - Briis.
Sur rendez-vous au 01 64 90 80 18.
Entrée gratuite.
Visites guidées pour les groupes scolaires et les Associations, et deux fois par an pour les Journées du Patrimoine et le circuit Secrets de Jardins en Essonne.
Contact : info@megafer.org
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