C'est au Musée de la Création Franche et à un partage Facebook que je dois cette nouvelle découverte
« Ce qui était typique pour nous, les enfants manouches, c’était de fabriquer des petites caravanes avec des morceaux de bois et on se mettait dedans. On jouait les grands manouches. Sinon quand j’étais petite, je jouais avec n’importe quoi, toute sorte de bricoles mais j’avais eu trois poupées. J’en avais une que j’aimais plus que les autres parce qu’elle était blonde. Je l’avais appelée « Blonda ». Je ne me souviens plus du nom des autres poupées, mais du sien, très bien. Lorsque je partais faire mon numéro au cirque, j’avais toujours peur que mes poupées aient froid. Cela me peinait de les laisser seules car pour moi, elles étaient comme des enfants. Comme j’étais petite, je croyais que mes poupées vivaient et de peur qu’elles prennent froid, je les couvrais».
Il n’est pas vraiment dans les coutumes des tziganes de peindre. Leur culture c’est plutôt la musique, le chant et la danse. Mais Mona aimait le dessin depuis toute petite. Quand elle avait le temps elle allait à l’intérieur du cirque vide et s’amusait à dessiner avec des bouts de bois dans la sciure de la piste du cirque. Parfois elle dessinait avec des crayons, mais elle n’en avait pas toujours car ses parents n’étaient pas très riches, ou alors elle allumait des allumettes, ce qui faisait un peu de charbon de bois, et elle dessinait avec. Sauf qu’il fallait souvent allumer et éteindre la flamme, ce qui devenait fatigant à la longue. Laissons Mona revenir dans ses souvenirs à l’âge de ses douze, treize ans.
« Un jour j’ai acquis une gouache. Je ne sais plus comment je l’ai obtenue, ce n’est pas important. J’étais fascinée et je me suis mis à faire de la peinture à l’eau sur du papier et des cartons, enfin sur tout ce qui me tombait sous la main, sauf les toiles car elles étaient trop chères. Je reproduisais beaucoup les visages par exemple celui de Dalida que j’aimais beaucoup. Mais j’aimais aussi beaucoup peindre la nature, les fleurs… »
Puis son père se retrouve dans le coma après une congestion cérébrale et il est soigné à l’hôpital de Saint-Quentin. En venant le visiter Mona s’amuse à dessiner avec des crayons gras. La chef infirmière le remarque et parce que les dessins lui plaisent, elle demande à Mona de lui peindre un tableau à l’huile. Mona est d’accord car l’infirmière était très gentille, permettant à la famille de rester à l’hôpital avec le père tant qu’ils voulaient. Elle peint donc un tableau sur la toile que l’infirmière achète. Mais là encore Mona ne se doute pas que la peinture sera son destin et qu’elle deviendra artiste peintre. Jusqu’à dix-neuf ans, elle continue à se présenter devant le public comme artiste contorsionniste et acrobate. Son père sort du coma, mais reste paralysé deux trois ans avant de mourir. Après son décès la famille met le feu au cirque et brûle tous les biens qui lui appartenaient.Un jour, un marchand passa. Impressionné par les dessins de Mona, il lui demande de lui peindre une toile. Elle peint avec les accessoires que le marchand lui procure une toile à l’huile. Le sujet est un Manouche jouant de la guitare près d’un feu et une caravane.
« C’était l’ancienne vie de nos parents, un passé qui n’est pas inscrit dans les livres, de l’imaginaire, une vie qu’ils nous racontaient. Le marchand était très satisfait et il m’a donné la boîte de peinture. Depuis j’ai commencé à peindre et les gens ont commencé à s’intéresser à moi. Puis lorsque je me suis mariée j’ai arrêté de peindre car j’avais bien d’autres soucis», dit Mona.
Le bouleversement vient le jour de ses cinquante deux ans. Son mari Matéo et ses enfants lui offre un grand paquet enveloppé de papier. Clairvoyante, Mona en devine le contenu.
« Lorsqu’ils sont arrivés avec le paquet, je savais qu’il y avait dedans des accessoires de peinture. Je le voyais à travers le papier, tout : les pinceaux, la toile, les couleurs. C’était pour que je me remette à peindre et je remercie ma famille de ce geste ».
Mona s’est remise à peindre avec passion et le succès vient rapidement. Elle peint les motifs de la vie des manouches: les caravanes, le feu, le soleil, les fleurs, tout ce qui est proche de la nature et qui bouge car les gens du voyage se déplacent tout le temps.
Les maisons ne font pas vraiment partie de ses motifs parce que Mona n’a jamais vécu dans une maison. Quand un jour elle est venue à l’école, l’enfermé lui faisait peur, l’espace lui manquait. L’artiste ne connait pas les peintres et ne sais pas lire, elle peint par amour des couleurs."
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