En attendant que je puisse profiter de cette exceptionnelle exposition Apolline Lepetit a été mes yeux à Paris. C'est avec joie que je vous présente ses photos aujourd'hui ...
Et les fascinantes sculptures de Bich Hai T Ô
Giovanni Podestà
Qui mieux que Martine Lusardy pour évoquer cette exposition :
La Fabuloserie a 40 ans.
Cette date anniversaire est pour la Halle Saint Pierre l’occasion de célébrer la collection qu’Alain et Caroline Bourbonnais ont rassemblée avec une passion insatiable à partir de 1972, à Paris d’abord à l’Atelier Jacob
puis à Dicy en Bourgogne dans un domaine aménagé en une maison-musée et
un jardin habité. Une collection sous le vent de l’art brut qui, si
elle poursuit la démarche initiale de Jean Dubuffet, s’en écarte
librement pour imposer le regard, le goût et la sensibilité de ses
fondateurs. A la croisée de l’art brut, de l’art naïf et de l’art
populaire, également ouvert sur les cultures extra occidentales, l’art
hors-les-normes de La Fabuloserie n’a cessé d’accueillir les
œuvres singulières de créateurs dépourvus de soucis esthétiques, qui ne
se disent ou ne se pensent pas professionnels de l’art. Pour ces hommes
du commun habités par une force créatrice irrépressible, Alain
Bourbonnais voulait « un temple du rêve, de l’imagination, de l’émotion »
ce que Michel Ragon résuma parfaitement :
Avec toute
l’ingéniosité de l’architecte qui en avait soupé de l’architecture
rationnelle et rêvait d’anarchitecture, Alain Bourbonnais aménagea un
parcours initiatique, un labyrinthe avec des chambres à surprises que
l’on ouvre subrepticement, quitte à en ressortir avec frisson et
horreur, comme dans la chambre noire où s’affalent les bourrages de
Marschall. On gravit des escaliers de meunier. On traverse des murs.
Tout est étrange. Tout est surprenant. Tout est insolite. Tout vous
agresse. Tout vous enchante. Ce voyage qui surprend, émerveille,
déconcerte et stupéfie à la fois, se prolonge dans le parc où les
bâtisseurs de l’imaginaire et inspirés du bord des routes ont trouvé
leur dernière demeure. Leur œuvre de toute une vie passée à transfigurer
leur environnement quotidien en un paradis personnel, est réinterprétée
et préservée, échappant ainsi à la destruction et à l’oubli. Point
d’orgue au fond du parc, au-delà de l’étang, « le Manège de Petit Pierre
» se dresse comme la promesse d’un moment magique et enchanteur.
Alain Bourbonnais était aussi créateur,
sans limite, à la fois peintre, dessinateur, graveur, metteur en scène,
réalisateur de courts métrages. Ses Turbulents, sortes
d’automates mécanisés confectionnés avec des matériaux du quotidien
forment une tribu truculente de personnages à la fois rabelaisiens et
ubuesques, tout droit surgis d’une fête foraine ou d’un carnaval. « Tout
ce qui imite, obéit aux règles, se coule dans le moule me répugne !
Inventer, chercher, expérimenter, jouer, insulter : voilà qui me
convient ! ». Un esprit libertaire anime donc son œuvre éprise de
démesure qui a trouvé, dans le compagnonnage des créations rebelles aux
normes, les mêmes forces de vie pour que l’art puisse encore être
« cette étincelle qui cherche la poudrière », selon les mots d’André
Breton.
La Fabuloserie conserve la magie du cabinet de
curiosités. Un souffle émancipatoire y libère les sens et l’imaginaire
en nous faisant rencontrer dans un esprit surréaliste des objets et des
œuvres dont on ne soupçonnait pas même l’existence. Chaque œuvre demeure
un objet de désir que la passion du collectionneur a su ne pas étouffer
dans un intemporel esthétique de muséification. C’est cette passion
privée qui fut à l’origine des premières collections d’art brut avant sa
vulgarisation et son institutionnalisation. C’est à l’oeil de tous ces
pionniers que la Halle Saint Pierre voulut rendre hommage en 1995 en les
invitant à venir montrer les plus caractéristiques de leurs trouvailles
dans l’exposition Art Brut et Compagnie, la face cachée de l’art contemporain.
Au côté de la Collection de l’Art Brut, étaient réunies La Fabuloserie,
l’Aracine, le Site de la Création Franche, la Collection Cérès Franco
et le Petit Musée du Bizarre qui venaient ainsi combler le grand silence
institutionnel et médiatique qui suivit l’exposition légendaire des Singuliers de l’Art au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1978.
Depuis, les routes de la Halle Saint Pierre et de La Fabuloserie n’ont cessé de se croiser : Aux frontières de l’art brut II en 2001, Banditi Dell’Arte en 2012, HEY ! Acte III en 2015, puis HEY ! Le dessin en 2022 furent autant d’occasions de faire exister un autre monde de l’art et d’appréhender, en dehors de toute logique de hiérarchie, les subtiles parentés qui l’animent. La Fabuloserie a 40 ans. L’Atelier Jacob aurait 50 ans. Il est jubilatoire de célébrer le demi-siècle d’une collection dont l’exigence aura été de libérer l’art et la création de ses multiples prisons et de réenchanter l’existence même des êtres et des choses. Une collection buissonnière où chaque œuvre révèle les fils invisibles qui relient l’intime à l’universel, le banal au singulier, l’émotion à la pensée, l’archaïque à la culture.
(cliquer)
JUSQU'AU 25 AOUT
Halle Saint Pierre
2, rue Ronsard – 75018 Paris
Tél. : 33 (0) 1 42 58 72 89
Du lundi au vendredi de 11h à 18h
samedi de 11h à 19h
dimanche de 12h à 18h
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